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La cohabitation intergénérationnelle : des avantages en partage
« La Logitude » fête ses dix ans ! Dix ans de cohabitation intergénérationnelle à Avignon et dans ses environs. Sous un même toit, un senior et un étudiant ou un jeune actif. Et une règle d’or : une présence bienveillante en échange d’une chambre à prix modique. Fondée en 2009 par Stella Bacchiocchi, « La Logitude » a toujours bénéficié du soutien de La Mutuelle Générale. C’est même une de ses adhérentes qui préside l’association. Reportage entre binômes
Une alternative de logement abordable
Lancée en mars 2009 par Stella Bacchiocchi, qui la dirige toujours, l’association pratique la cohabitation intergénérationnelle. Le principe est simple : il s’agit de permettre à un jeune en formation ou actif de se loger chez une personne âgée disposant d’une chambre, en échange d’une présence bienveillante. « Tout a commencé là où j’habitais, se souvient Stella Bacchiocchi. J’avais une voisine, Andrée, 76 ans, qui vivait seule dans 180 m2. Elle avait plusieurs chambres, je lui ai proposé, avec l’accord de sa famille, de prendre une étudiante chez elle. C’est ainsi que Mélanie est entrée dans la vie d’Andrée. » Et que Stella Bacchiocchi, alors en congés maternité, décide de quitter son emploi pour créer « La Logitude ». Une rapide étude de terrain la convainc de l’intérêt d’une telle entreprise : « Le Vaucluse est un des départements les plus pauvres de France, qui compte, de surcroît, un grand nombre d’étudiants.
"La Logitude" est un tremplin vers une alternative de logement, plus abordable ».
Le sentiment d’être utile
Hasard ou air du temps, Stella Bacchiocchi rencontre assez vite Jean-Paul Sadori, administrateur de La Mutuelle Générale qui habite à Avignon. Séduit par son initiative, il lui apporte son soutien. « Depuis de nombreuses années, j’étais sensibilisé aux problématiques en lien avec les personnes âgées, précise-t-il. "La Logitude" contribue, dans certains cas, au maintien à domicile. » Stella Bacchiocchi préfère, pour sa part, mettre en avant l’utilité sociale du logement intergénérationnel : « en rendant service à des jeunes, les seniors se sentent toujours dans le cours de la vie ». Aujourd’hui, « La Logitude » compte une cinquantaine de binômes dans le Vaucluse. Le recrutement passe par un certain nombre d’étapes qui visent à s’assurer que les termes de la cohabitation ont bien été compris. « Peu de contraintes, mais de la bienveillance, du respect et de la convivialité, résume Stella Bacchiocchi. C’est à eux ensuite d’écrire une histoire. »
Une bonne transition
Depuis la rentrée de septembre, Bernadette accueille deux étudiants : Lucas, 24 ans, élève ingénieur présent une semaine sur deux, et Thelma, 18 ans, qui prépare un diplôme interuniversitaire de commerce à Avignon. « Je quittais pour la première fois la maison, cette option nous est apparue, à mes parents et à moi-même, comme une bonne transition, explique la jeune femme, qui était mineure quand elle s’est installée dans la petite chambre orange, à l’étage. J’ai tout de suite eu un bon feeling avec Bernadette, elle n’est pas compliquée et toujours souriante. » « Quand je fais un gâteau, il y a toujours une part ou deux pour Thelma et Lucas », souligne Bernadette. Elle ne cache pas que cette double présence lui a été d’un grand secours, au lendemain de son intervention chirurgicale. « Un jour, je suis tombée dans l’entrée. Si Lucas n’avait pas été là, je n’aurais pas pu me relever ! »
De la gaieté dans la maison
Quand Thelma rentre de ses cours, elle prend le temps de papoter avec Bernadette. « Je suis contente de ne pas être seule, sinon je parlerais avec mon chat ! » dit l’ex-dessinatrice en architecture. Des rituels, mais aussi des attentions, comme pour ce 8 octobre, jour de l’anniversaire de Thelma. « Bernadette m’a offert un cœur en tissu qu’elle a confectionné. Je l’ai suspendu au petit meuble, près de mon lit », sourit la jeune étudiante, tandis que Bernadette lui remet en place une mèche de cheveux. Pour Thelma, Bernadette est un peu la grand-mère qu’elle n’a pas eue, faute de relations avec ses aïeux. Et Lucas, le grand frère qu’elle n’a pas. « Il me recadre dans mon travail », avoue-t-elle. Quant à Bernadette, elle voit peu ses cinq petits-enfants. « Accueillir des jeunes, ça apporte de la vie », observe-t-elle. Et puis, il y a les copines de la couture, son hobby, et les comédiens amateurs avec lesquels elle monte sur les planches.
Une démarche solidaire
Bernadette dirige en effet L’Œil en coulisse, une compagnie théâtrale qui met en scène la cohabitation intergénérationnelle, un projet porté par « La Logitude ». Une pièce, écrite avec des élèves du Lycée Louis-Pasteur d’Avignon et des accueillants, circule depuis 2014. Son titre : Fais comme moi... Habite chez une mamie ! Martine, autre membre actif de « La Logitude », a rejoint la troupe il y a un an, avec l’âme d’une militante : « Il faut couper l’herbe sous le pied aux clichés et lutter contre les clivages ».
À 64 ans, cette jeune retraitée habite Châteauneuf-de-Gadagne et vit depuis le 1er octobre dernier avec Inès, luthière de 21 ans. C’est sa deuxième expérience et déjà, après quelques mois, une certitude : « Nous sommes tout à fait en mesure de parler d’amitié ». Martine a même aménagé son local piscine pour permettre à Inès d’installer son établi. « Ma démarche est clairement solidaire, mais je reçois aussi beaucoup en échange. C’est ça qui est merveilleux, outre que cela nous maintient dans une belle dynamique », indique l’ancienne infirmière clinicienne en soins palliatifs, désormais incollable en lutherie.
Ne pas en avoir peur
Pour Inès, vivre avec Martine est le résultat d’un choix réfléchi. « Je n’avais pas envie de gérer une colocation avec des personnes de mon âge. Avec Martine, je me sens en sécurité ». Et en totale confiance. « On a eu la chance de bien se trouver. Elle est hyper-ouverte et hyper-apaisante. Je lui fais part de mes doutes, je lui raconte mes histoires de cœur, car il n’y a de sa part ni curiosité mal placée ni jugement. Je ne vis pas avec ma grand-mère, mais avec une vraie amie, d’égale à égale, sans le poids ni les attentes de la famille. » Pour Martine, Inès et avant elle Coralie, font partie de son parcours de vie. Et la réciproque est sans doute vraie aussi. Pour preuve, le coup de fil que Coralie lui a récemment passé pour lui demander sa recette de poisson aux poireaux.
« Ma porte leur sera toujours ouverte », affirme Martine. « Il ne faut pas avoir peur de la cohabitation intergénérationnelle », assure Inès, pour qui cette expérience lui aura aussi permis de se lancer professionnellement, à moindre coût.
Quant à Martine, elle voit dans ce compagnonnage avec « La Logitude » une perspective agréable et rassurante pour elle, mais aussi pour sa fille qui vit à l’étranger : « Je peux vieillir tranquillement. ».
LA MUTUELLE GÉNÉRALE S’ENGAGE
Depuis 2015, La Mutuelle Générale soutient « Vivre Avec », une autre association qui pratique la cohabitation intergénérationnelle solidaire. Installée à Bordeaux, elle a été fondée en 2004 par Élise Renet. Elle est présidée par Jean Bouisson, professeur émérite à l’université de Bordeaux et spécialiste des sujets liés au vieillissement. Le contact entre « Vivre Avec » et La Mutuelle Générale est l’œuvre de Hervé-Léopold Voinier, administrateur girondin de la mutuelle et qui fait également partie du conseil d’administration de l’association. « Vivre Avec » recense une quarantaine de binômes.