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La médecine du travail en danger ?
Née en 1946, la médecine du travail est-elle menacée de disparition ? Face à la chute des effectifs dans cette spécialité, un rapport remis aux pouvoirs publics tire la sonnette d’alarme. Et propose des solutions.
Risques psycho-sociaux, troubles musculo-squelettiques, stress : relayée par les médias, la problématique de la santé au travail ne s’est jamais posée avec autant d’acuité. Mais vers qui, demain, les salariés pourront-ils se tourner ? La chute des effectifs des médecins du travail rend cette question particulièrement brûlante. En mai 2010, trois experts indiquaient dans un rapport* remis au ministre du Travail : « En 2009, plus de 55 % des médecins du travail ont plus de 55 ans. Dans 5 ans, ce sont plus de 4000 médecins qui auront atteint ou dépassé l’âge légal de départ à la retraite et plus de 5600 médecins dans 10 ans. » Au total, en 2020, la population des médecins du travail aura donc perdu 80 % de ses effectifs ! Sans compter que chacun des 6000 professionnels en exercice suivent en moyenne 3500 salariés…« Actuellement, une centaine de postes sont ouverts au concours d’internat, souligne Gilles Leclercq, médecin-conseil de l’ACMS et co-auteur du rapport. Mais ces recrutements ne suffiraient pas à court terme, à stopper l’hémorragie. Mal connue, considérée comme routinière, la médecine du travail souffre d’une mauvaise image. Pour faire venir de nouveaux médecins, il faut donc revaloriser cette spécialité.»
Lever les blocages
Pour enrayer le déclin de la discipline, les auteurs du rapport font un certain nombre de propositions afin que les médecins du travail ne soient plus de simples chambres d’enregistrement. Il proposent de leur offrir la possibilité, comme à tout autre professionnel de santé, de renseigner le dossier médical du patient ; d’obliger l’employeur à répondre aux préconisations concernant un salarié ; de remplacer la procédure d’aptitude systématique par la remise d’un rapport détaillé expliquant les aménagements à apporter au poste de travail.
Le rapport suggère également d’organiser une filière de reconversion attractive pour les généralistes, via une formation en alternance sur deux ans. « On peut envisager des dispositions propres à lever certains blocages, comme des conditions de rémunérations intéressantes et un recrutement régional », précise Gilles Leclercq.
À l’heure où une réforme de l’organisation de la médecine du travail est en cours d’examen au Parlement, les auteurs du rapport aimeraient bien voir aboutir leurs propositions.
Pour Gilles Leclercq, l’enjeu est de taille : « Porteur d’une grande utilité sociale, le médecin du travail doit non seulement être pérennisé, mais aussi reconnu comme un expert qui a toute sa place dans le déploiement des politiques de santé publique. »
*La santé au travail : vision nouvelle et professions d’avenir, par Paul Frimat, Christian Dellacherie et Gilles Leclercq. Rapport remis aux Ministre du Travail, de la Solidarité et de la Fonction publique Ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Ministre de la Santé et des Sports, avril 2010
Téléchargeable à l’adresse suivante :
http://www.travail-emploi-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport-Dellacherie-Frimat-Leclercq-04-2010.pdf