Elle a beau concerner près de 2 millions de femmes en âge de procréer, soit 1 femme sur 10 en France, l’endométriose reste mal connue du grand public, mais aussi d’une partie du corps médical. Au point qu’il faut parfois plusieurs années aux patientes pour obtenir un diagnostic. Avec la création de filières de soins dédiées à la maladie, les choses pourraient enfin changer. Rencontre avec Yasmine Candau, présidente de l’association EndoFrance.
L’endométriose, qu’est-ce que c’est ?
Yasmine Candau – L’endométriose tire son nom de l’endomètre, la muqueuse qui tapisse l’utérus. Au moment du cycle, celle-ci se met à gonfler dans le but d’accueillir un embryon. S’il n’y a pas de fécondation, cette muqueuse se détache et est évacuée sous forme de règles. On parle d’endométriose quand on retrouve ailleurs que dans l’utérus des cellules semblables à l’endomètre. Le plus souvent, ces cellules viennent se greffer aux organes à l’intérieur du ventre. Mais elles peuvent aussi se retrouver sur les intestins, la vessie, le diaphragme ou encore les poumons. Leur particularité, c’est qu’au moment des règles, elles vont elles aussi réagir aux hormones, se mettre à saigner et, au fil des cycles, former des lésions : nodules, kystes, etc.
À quel moment apparaît la maladie ?
Y. C : Il y a tous les cas de figure. Certaines jeunes filles vont en souffrir dès la puberté. Chez d’autres, la maladie va se déclarer un peu plus tard, après une césarienne par exemple, voire plus tardivement encore. Dans certains cas, l’endométriose peut même évoluer en silence et être découverte par hasard, au moment d’un bilan de fertilité.
Le principal symptôme de l’endométriose, c’est la douleur. Y en a-t-il d’autres ?
Y. C : Quand on parle de douleur, il est important de souligner que c’est une douleur vraiment invalidante, au point d’être un facteur d’absentéisme. C’est le principal symptôme dans 70 % des cas. Mais il y a effectivement d’autres symptômes associés qui varient en fonction de la localisation des lésions : troubles urinaires, digestifs, douleurs pendant les rapports sexuels, fatigue chronique…
L’endométriose est aussi une cause majeure d’infertilité…
Y. C : Oui, on estime que 30 à 40 % des cas d’infertilité féminine en France sont dus à l’endométriose. Mais ce n’est pas une fatalité pour autant : de nombreuses femmes parviennent à avoir des enfants malgré la maladie.
L’une des grandes difficultés pour les femmes atteintes, c’est l’errance diagnostique. Il vous a fallu sept ans pour savoir de quoi vous souffriez…
Y. C : C’est vrai, j’ai commencé à avoir des douleurs à 16 ans. Mon médecin ne comprenait pas pourquoi. Il m’a prescrit toutes sortes d’examens. J’ai consulté un urologue, un gastro-entérologue, des gynécos. Aucun ne savait dire ce que j’avais. Il a fallu que j’attende d’avoir 23 ans pour qu’enfin, on pose un nom sur mes symptômes.
Quel conseil donneriez-vous à une jeune femme dont les règles sont systématiquement douloureuses ?
Y. C : D’analyser sa douleur. L’endométriose se caractérise par une douleur intense, qui résiste aux antalgiques et aux antispasmodiques, et empêche d’agir au quotidien. Si cette douleur se répète tous les mois, il faut penser à la maladie et consulter.
Sauf que trouver un médecin bien informé sur la maladie, ce n’est pas toujours simple…
Y. C : Vous avez raison. C’est pour ça que nous avons, partout en France, des bénévoles capables d’orienter les patientes vers des sage-femmes, des généralistes, des gynécos… qui connaissent l’endométriose et sont formés à son diagnostic.
Comment prend-on en charge la maladie ?
Y. C : On ne peut pas guérir de la maladie, mais on peut la traiter grâce à la prise d’une pilule contraceptive en continu. Le but est d’arrêter les règles pour éviter aux lésions de saigner, de se multiplier et de former des kystes qui grossissent et évoluent. C’est le traitement de référence, selon la Haute Autorité de santé. Si ça ne fonctionne pas, on peut recourir à la chirurgie, pourvu qu’elle soit pratiquée par un spécialiste. Enfin, il y a les soins de support, comme l’hypnose, la kinésithérapie, l’ostéopathie, l’acupuncture, la méditation, qui permettent aux patientes de gérer la douleur au quotidien.
Avec le lancement d’une stratégie nationale contre l’endométriose il y a un peu plus d’un an, les lignes semblent enfin bouger. Vous êtes optimiste ?
Y. C : Oui, cette stratégie est une victoire pour nous : ça fait vingt ans que notre association attendait que l’endométriose devienne un enjeu de santé publique. Aujourd’hui, il y a une véritable prise de conscience. Avec le développement de filières de soins dédiées à l’endométriose dans chaque région de France, les médecins sauront enfin vers qui orienter leurs patientes pour qu’elles soient prises en charge efficacement. C’est essentiel pour en finir avec l’errance diagnostique dont sont encore victimes de nombreuses femmes atteintes d’endométriose.