Arrêt de travail et congés payés : les juges sifflent la fin de la récréation
Comment fonctionne l’acquisition de congés payés en cas d’arrêt de travail ? Décryptage par Maître Frank Wismer, avocat associé chez AVANTY Avocats.
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Souvent, on est conduit à traiter des questions juridiques de type « tête d’épingle », dont le caractère très spécifique ou encore la portée des enjeux financiers permettent de douter qu’un contentieux puisse un jour survenir.
Les multiples sujets liés aux dispenses d’adhésion au régime de frais de santé en constituent de bonnes illustrations. Imaginer qu’ils peuvent être poussés jusqu’à la Cour de cassation pour à peine plus de 200 € d’enjeux aurait pu paraitre, aux yeux de certains, une hypothèse d’école devant rester ad vitam aeternam théorique. Mais, il ne faut jamais dire jamais, et l’arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 7 juin 2023 constitue un bon contre-exemple, qui mérite l’attention à plus d’un titre : d’abord, pour en déduire les implications opérationnelles. Ensuite, pour apprécier dans quelle mesure il faut transposer cette solution de droit du travail aux règles d’exonération « urssafienne ».
Notamment pour satisfaire aux conditions d’exonération du financement patronal en matière de charges sociales, l’adhésion des salariés au régime de frais de santé de l’entreprise est par principe obligatoire. Par exception, des cas de dispenses sont organisés par le Code de la sécurité sociale ou peuvent être prévus dans l’acte collectif, sans que cela ne heurte le bénéfice de l’exonération précitée.
Un des cas les plus répandus de dispense est, bien évidemment, celui de la qualité d’ayant droit au régime d’un conjoint lui-même salarié. Mais, ni l’article D.911-2, ni l’article R.242-1 du Code de la sécurité sociale, régissant la question des dispenses, ne précisent si la dispense implique que l’adhésion du salarié en sa qualité d’ayant droit doit être obligatoire ou si une adhésion facultative suffit.
C’est ce point très spécifique qu’un salarié a soumis à un Conseil des Prud’hommes, puis à la Cour d’appel de Montpellier, avant que l’employeur ne se pourvoit en cassation. Ce dernier avait refusé la dispense d’un de ses salariés et partant avait précompté sa cotisation, au motif que sa qualité d’ayant droit était facultative et non obligatoire. On imagine que ce dernier a rétorqué que la loi (et ses décrets) ne distinguant pas, il n’y avait pas matière à distinguer. C’est ce que la Haute juridiction a eu à trancher.
Pour la première fois à notre connaissance la Cour de cassation par son arrêt du 7 juin 2023 (pourvoi n°21-23.743) précise le champ d’application de la dispense fixée à l’article R.242-1-6 du CSS, dite dispense « à la main de l’employeur ».
Elle juge, au visa des articles D. 911-4 et R. 242-1-6 du CSS, que « la dispense d’adhésion au régime complémentaire collectif et obligatoire mis en place dans l’entreprise du salarié n’est pas subordonnée à la justification qu’il bénéficie en qualité d’ayant droit à titre obligatoire de la couverture collective (…) de son conjoint. Ainsi, selon la Haute juridiction le caractère obligatoire ou facultatif de l’adhésion des ayants droits est sans incidence sur la possibilité de recourir à ce cas de dispense.
Chacun a probablement le réflexe d’appréhender cette solution au regard des exigences d’exonération URSSAF. Un peu de vigilance ne nuira pas en gardant à l’esprit que cette solution a été rendue dans le cadre d’un litige prud’homal par la chambre sociale et non par la deuxième chambre civile dans le cadre d’un contentieux Urssaf. Par ailleurs, au cas d’espèce, ni la convention collective, ni l'acte de mise en place du régime, ne prévoyaient de façon explicite que la dispense d'adhésion était subordonnée à la justification par le salarié de la qualité d'ayant droit à titre obligatoire. Sur la base de ce seul constat, il peut sembler logique que l’employeur ne puisse, dans le cadre d’une relation de travail exiger du salarié cette exigence complémentaire non exprimée dans l’acte d’entreprise. Enfin cet arrêt, est rendu au visa de l’article R.242-1-6 du CSS, ce qui interroge sa transposition à la dispense d’ordre public fixée à l’article D.911-2 du CSS dont la rédaction est très proche. Cette proximité de rédaction permet de penser que la transposition parait acquise.
Pour la plupart d’entre nous, ce sujet fait écho à une position de la Direction de la Sécurité sociale, issue d’une circulaire du 25 septembre 2013, qui avait considéré que ce cas de dispense devait se limiter à la qualité d’ayant droit obligatoire. A l’époque, nous étions parmi ceux s’étonnant de cette exigence qui ne relevait pas des textes. Et, déférence gardée pour l’administration de l’avenue Duquesne, on était tenté de lui répondre qu’il ne lui appartenait pas d’ajouter à la loi d’exonération des conditions qui n’y figurent pas.
Les plus vigilants avaient plus récemment relevé qu’à l’occasion de la substitution de ces circulaires par le Bulletin Officiel de la Sécurité sociale (BOSS), cette exigence superfétatoire n’y apparaissait plus. On aurait donc tendance à penser que le BOSS a intégré par anticipation cette solution prud’homale.
En outre, le BOSS précise que la dispense d’affiliation prend la forme d’une déclaration sur l’honneur qui désigne le nom de l’organisme assureur, les garanties auxquelles le salarié renonce et comporte la mention selon laquelle il est informé de la conséquence de son choix. En dehors de ces mentions, la déclaration sur l’honneur n’impose pas une mention spécifique au cas particulier de la dispense en tant qu’ayant droit.
Mais au-delà de ces conjectures juridiques, il faut surtout apprécier si on entend fluidifier le recours aux dispenses, engendrant certes une charge de cotisations patronales moindre, mais en acceptant une contrainte RH plus importante et une érosion potentielle de l’équilibre technique du contrat. C’est peut-être cette distinction qu’il faut avant tout arbitrer avant de solliciter la règle juridique.
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