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Exonération URSSAF et catégories objectives : le suspense de la mise en conformité

Le temps défile décidément comme un TGV lancé à pleine vitesse. Le 31 décembre prochain marquera, déjà, le terme de la période transitoire institué par le décret du 30 juillet 2021 (dérogeant à sa date d’effet au 1er janvier 2022), pour permettre aux entreprises de mettre en conformité les catégories objectives de bénéficiaires de leurs régimes de prévoyance, santé et retraite supplémentaire.

Maître Frank Wismer Avocat associé, AVANTY Avocats
Publié le 07/06/24
Temps de lecture 4 min

Un peu comme un film à suspense, on voit s’égrener le compte à rebours sans que, dans certains cas, ou plutôt certains secteurs d’activité, on sache si cette mise en conformité sera tout simplement possible. On retient donc notre souffle tout en tâchant d’identifier les hypothèses afin d’être en mesure de trouver la solution salvatrice.

Rappel

On le sait, la question porte pour l’essentiel, sur les dispositifs qui s’appliquaient aux salariés cadres et assimilés, qualifiés anciennement des articles « 4 », « 4bis » et « 36 » (respectivement les salariés « cadres et éligibles à l’obligation dite du 1,50 TA », « non cadres assimilés et éligibles à l’obligation dite du 1,50 TA » et « les non-cadres assimilés mais non éligibles à cette obligation de financement minimal de prévoyance »). On les appelle désormais, tout aussi respectivement, les articles « 2.1 », « 2.2 » et « Extension APEC ». Il est dorénavant fait référence à l’ANI du 17 novembre 2017 sur la prévoyance des cadres, qui invite chaque branche professionnelle à conclure des accords pour délimiter le champ des « 2.2 » au sein de leur classification des métiers, et si cela est souhaité de procéder à la délimitation d’autres non-cadres, ceux non éligibles au « 1,50 TA », mais susceptibles d’être portés dans le régime des cadres pour les garanties de prévoyance, santé complémentaire et de retraite supplémentaire

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Double condition

La modification des catégories objectives autorisant l’exonération URSSAF du financement patronal a, par l’effet du décret précité du 30 juillet 2021, intégré cette nouvelle nomenclature. Mais, elle a bien pris le soin d’exiger que la validation des deux catégories de salariés non-cadres, susceptibles de bénéficier du régime des salariés cadres supposent d’une part, la conclusion d’un accord de branche arrêtant la délimitation de cette population dans les classifications, et d’autre part que cet accord fasse l’objet d’un agrément par une commission paritaire siégeant au sein de l’APEC (expliquant que les « ex-36 » soient surnommés par certains pour l’avenir les « extensions APEC »).

Retard à l’allumage

Tout irait bien, dans le meilleur des mondes, si l’intégralité des branches avait conclu ces accords et que nous disposions à ce jour de l’ensemble des agréments APEC. Las, il y a loin de la coupe aux lèvres et il faut constater qu’une majorité de branche n’ont pas signé d’accord en ce sens, ou pire n’ont pas encore ouvert des négociations à ce titre. Il est donc une lapalissade de dire qu’on ne peut disposer d’un agrément APEC à défaut d’un accord non encore conclu.

Distinction selon les situations

A date, il en résulte plusieurs hypothèses qu’il faut savoir distinguer :

  • soit un accord a été conclu par la branche et agréé par l’APEC avant le 1er janvier 2025 : dans une telle hypothèse, il faut identifier si (i) l’accord ne fait que reprendre à l’identique l’ancienne catégorie des salariés « ex-36 » au titre de la nouvelle catégorie des « non-cadres intégrés APEC » ou opère des différences. En l’absence de différences, les entreprises qui rattachaient leur « ex-36 » au régime des cadres pourront maintenir leur pratique et devront, d’ici au 1er janvier 2025, modifier la rédaction de leur catégorie objective au sein de l’acte juridique formalisant le régime (et le contrat d’assurance). En revanche, (ii) si les « ex- 36 » et les « non-cadres intégrés APEC » ne sont pas définis de manière identique, les salariés concernés devront être repositionnés dans les régimes de cadres ou des non-cadres. Cela pose alors la question du respect de la procédure de modification des actes collectifs pour rendre opposable les éventuels déclassements. On ne serait que trop attirer l’attention de chacun sur cette dernière hypothèse, tout spécialement en matière de prévoyance lourde (que ce soit dans le respect de la procédure « travailliste » que dans la remise de la nouvelle notice d’information…).
  • soit aucun accord n’a été conclu par la branche avant 2025, et dans ce cas le rattachement des salariés « ex-36 » à la catégorie des cadres ne sera plus possible après le 31 décembre 2024, générant un déclassement qu’il faudra tout autant organiser. 

A date, on ne peut que constater que de nombreuses branches n’ont pas entamé de négociations en ce domaine, ou procédé à la procédure d’extension APEC, ce qui appelle à la prudence, dans la mise en conformité des catégories objectives des entreprises d’ici la fin d’année. Or, toute la subtilité de cette seconde partie d’année va consister à suivre l’actualité des branches et des agréments APEC pour déceler les accords et peut-être parfois arbitrer pour l’anticipation de la mise en conformité, notamment lorsque l’accord sera conclu et envoyé à l’APEC avant le 31 décembre mais que cette dernière n’aura pas encore pris sa position à cette date. 

Strate supplémentaire de complexité

Toujours généreux en enrichissement des règles, le Bulletin officiel de la Sécurité sociale a cru pouvoir ajouter une condition, selon nous bien contestable, selon laquelle l’accord de branche ayant identifié une catégorie de salariés non-cadres rattachable à la catégorie des cadres peut, sans conséquence sur le caractère collectif et obligatoire, soit imposer un tel rattachement, soit laisser la faculté aux entreprises de la branche de procéder à celui-ci. Il ajoute qu’en l’absence de mention expresse de cette possibilité dans la convention ou dans l’accord agréé, les entreprises sont tenues d’inclure les assimilés cadres dans la catégorie objective des cadres. On ne voit pas en quoi cela peut se justifier, même si en pratique, on constate que les branches ont le bon sens de laisser une sphère de liberté aux entreprises. Un peu d’air pour ventiler nos tempes baignées de sueur...

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