Santé mentale des jeunes : l’état d’urgence ?
La santé mentale des 11-24 ans ne cesse de se dégrader. Les explications et les conseils du Pr Florian Ferreri, psychiatre.
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Un tiers des communes a fait machine arrière dès cette rentrée scolaire 2017-2018 et est revenu à la semaine de quatre jours. Les chronobiologistes dénoncent d’une même voix cette organisation du temps scolaire et brandissent le piège de l’irrégularité des horaires, source de fatigue et par conséquent de perturbation des apprentissages. Par Hélène Joubert, journaliste scientifique.
Déjà deux mois que 31,8% des communes françaises ont rebasculé sur le rythme scolaire de quatre jours. Outre des temps d’apprentissages ramassés, déjà parmi les plus denses en Europe (144 jours par an contre 187) et le fait que cela fait perdre 17,5 journées pleines soit un mois d’école, le risque pour la plupart des enfants est de casser la régularité des rythmes biologiques, d’où un stress physiologique se répercutant sur les fonctions de l’organisme comme le sommeil, l’appétit, les défenses immunitaires, à l’origine d’une fatigue et de difficultés d’attention.
Selon l’ensemble des recherches fondamentales en chronobiologie, la régularité -entretenue par des activités codifiées et répétées, comme les horaires d’école structurants, est primordiale. Toute rupture de rythme circadien (coucher tard, lever tard, ou coucher tard-lever tôt) induit un stress physiologique à l’origine de variations de l’hormone cortisol d’où une répercussion sur la qualité du sommeil mais aussi en cascade, la modification de la sécrétion d’hormones régulatrices de l’appétit (leptine, ghréline), ce qui prédispose à la prise de poids comme démontré dans de récentes études. Plus fatigué, l’enfant aura aussi tendance à être hyperactif ou dissipé, ce qui est moins propice à la concentration et aux apprentissages.
Dr Sylvie Royant-Parola psychiatre et neurobiologiste, spécialiste des troubles du sommeil (Paris) : « L’important réside dans la régularité des signaux (lumière naturelle/artificielle, activités physiques, structuration des repas). Cette régularité organise la topographie temporelle des fonctions de l’organisme (taux de sucre dans le sang, la tension artérielle, la température interne, le cortisol etc). Des ruptures de rythme -désynchronisations- entraînent un décalage de phase entre les différents rythmes, d’où un stress et une demande d’adaptation à l’organisme, génératrice de fatigue ».
Tous les travaux pointent la rupture du week-end, stress chronobiologique important. Avec un 3ème jour chômé, l’enfant se retrouve dans une situation où culturellement et socialement, il va décaler son rythme en se couchant tard et se levant tard (s’il le peut).
La semaine de 4 jours porterait peu à conséquence avec peu de risque de désynchronisation si l’enfant bénéficiait le mercredi d’activités structurées dont en extérieure, une émulation intellectuelle, un encadrement éducatif et une régularité des horaires de lever et de coucher.
Sylvie Royant-Parola : « Mais pour la plupart des enfants, qui ne pourra bénéficier lors de ces jours chômés d’activités structurantes voire sera laissé à lui-même, et de règles de lever et de coucher régulières, ce décalage de rythme génère un surcroît de fatigue lors de la reprise de l’école. Avec, chez des enfants plus fatigués et moins attentifs, un risque de répercussion sur les résultats scolaires ».
Selon ces arguments chronobiologiques, la semaine scolaire d’au moins quatre jours et demi avait déjà été proposée par l’Académie nationale de médecine en 2010. Le 7 juin 1017, les sénateurs du groupe de travail sur la réforme des rythmes scolaires rappelaient « le consensus scientifique sur le caractère préjudiciable de la semaine de 4 jours » à l’origine de de fatigue et de moindre vigilance des élèves.
Le ministre de l’éducation nationale n’est pas de cet avis et a estimé que cette souplesse allait dans l’intérêt de enfants, s’appuyant en particulier sur une étude conduite dans le canton du Monestier de Clermont montrant sur peu d’enfants que les effets de l’aménagement du temps scolaire – sur quatre jours ou quatre jours et demi – sont négligeables, voire nuls, sur les résultats des élèves.
Pour ce qui est de la fatigue, ce facteur est perçu subjectivement mais n’a jamais été mesuré objectivement.
Pr François Testu, chronopsychologue (Université de Tours) : « L’incidence du rythme scolaire ne se mesure pas directement sur les apprentissages ou la fatigue mais via des variables intermédiaires comme la qualité et la durée de sommeil, la vigilance, l’attention, l’adaptation à la situation scolaire, le comportement, la reconnaissance d’autrui, l’estime de soi… autant de facteurs qui jouent sur la performance. De nombreux enfants sont pénalisés par certains emplois du temps et notamment la semaine de 4 jours. Certaines publications montrent en effet qu’elle accentue la désynchronisation, baisse le niveau de vigilance et d’attention de l’enfant et par voie de conséquence leurs résultats et/ou leur fatigue. En général, les courbes journalières de la fatigue et de la vigilance se superposent, élaborées l’une par des dosages des déchets urinaires (17 OHCS), l’autre par des tests psychologiques. Mais dans trois cas, les variations journalières de la vigilance sont atypiques : chez les élèves ayant une vie extrascolaire difficile, ceux en difficultés et ceux à qui on proposait la semaine des 4 jours ! »
Le rapport Testu portant sur l’année 2015-2016 souligne que l’aménagement du temps scolaire du type 9 ½ journées a des effets positifs sur les apprentissages des élèves et le développement personnel des élèves. En effet, cette étude a différentié les populations d’écoliers. Or lorsque les TAP (activités extra-scolaires liées à la semaine de 4,5jours) sont proposées, les enfants en difficulté dans les REP ou REP+ rattrapent en partie leur retard et rejoignent en moyenne le même niveau de performance et de vigilance que les autres.
Pr François Testu : « La semaine de 4 jours crée en cela une possible inégalité entre les enfants. En effet, la libération du temps accentue la déficience attentionnelle, la fatigue scolaire et l’inégalité socioculturelle pour certaines populations d’élèves socialement défavorisés ».
Hélène Joubert, d’après des entretiens avec le Pr François Testu, chronopsychologue (Université de Tours) et le Dr Sylvie Royant-Parola psychiatre et neurobiologiste (Paris).
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