Santé mentale des jeunes : l’état d’urgence ?
La santé mentale des 11-24 ans ne cesse de se dégrader. Les explications et les conseils du Pr Florian Ferreri, psychiatre.
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Nous vivons dans un monde où la violence est mise en avant dans les médias, télévision, radio, internet, et où les adultes en parlent facilement. Les enfants de tout âge sont donc exposés à la vision ou à la constatation d'actes de violence, et cette exposition est susceptible de les perturber. Alors comment faire pour éviter le traumatisme ou simplement pour le minimiser ?
Les enfants de moins de 6 ans doivent être préservés le plus possible des images ou des mots violents. Alors il faut éviter de les exposer aux informations télévisées et aux radios exposant un fait violent. Ce n'est pas toujours entièrement possible car on peut être pris par surprise, mais cela peut toujours être limité.
Lorsque les enfants perçoivent qu'il se passe quelque chose de grave, et c'est le cas dans un acte ou d'une menace terroriste, un attentat, et il faut leur en parler. Faire semblant que tout est normal ne fera que les angoisser. Ils perçoivent l'inquiétude des adultes et penseront « il se passe quelque chose de si grave que mes parents ne peuvent même pas m'en parler ». Il faut donc parler. Et surtout, ne pas chercher à en dire le plus possible. Dire l'essentiel, le minimum, et surtout ne pas aller dans des descriptions ou des précisions terrifiantes. Leur jeune esprit aurait du mal à supporter cela et ces explications pourraient laisser des traces mnésiques, des souvenirs émotionnels terrorisants, donc constituer un traumatisme psychologique. Ne pas hésiter non plus à dire sa peur, sa tristesse, sa colère. Cela rassure l'enfant de savoir que c'est normal de se sentir choqué, apeuré, triste...
Un enfant se sent fragile et il l'est. Il a donc davantage besoin de sécurité encore qu'un adulte. Ses parents sont donc là pour le rassurer. Il faut lui expliquer que les adultes sont là pour le protéger, ses parents, ses enseignants, la police, le président et les ministres : tous les adultes sont là pour protéger les enfants contre la violence. Lui dire : « nous ferons toujours TOUT, vraiment tout pour te protéger ». Insister aussi si c'est le cas, sur le fait que ça s'est passé loin de lui, dans une autre ville, un autre quartier.
Un enfant a tendance à imaginer un monde centré sur lui. Il faut donc lui expliquer que tout cela n'a rien à voir avec lui, que ces événements violents concernent le monde des adultes et que lui peut continuer à jouer, à vivre sa vie.
Lui permettre d'en parler. Les parents peuvent lui expliquer que si cette violence le tracasse, il peut venir en parler. Cela lui permet d'exprimer ces peurs et de l'aider à les dénouer, à le rassurer.
Quand l'enfant est âgé de plus de 6 ou 7 ans, il posera davantage de questions.
Même si l'enfant est plus grand, il faut éviter de l'exposer à des images sanglantes, des propos descriptifs insupportables. Cela est d'ailleurs valable pour les plus grands... et même pour les adultes. Se complaire dans ces descriptions d'actes de violence n'apporte que de l'angoisse et n'aide pas à réagir sainement.
Les explications doivent être adaptées à l'âge de l'enfant. Plus il est grand, plus il souhaitera des précisions et ne pas les lui donner pourrait l'angoisser. Mais il ne faut pas chercher à en dire davantage que ce qu'il demande ou que ce qui est nécessaire.
Rassurer un enfant, c'est d'abord lui dire que ses parents feront tout pour le protéger, mais aussi lui parler de la cité ! Notre pays est organisé pour se protéger, pour protéger ses citoyens, dont ses parents et sa famille font partie.
Après 7 ans, on a passé l'âge de raison, et l'on pense beaucoup, de manière souvent très intelligente. Il est bon d'expliquer à un enfant que garder sa peur dans sa tête ou dans son coeur est un poison. Il lui faut parler de sa peur, car ensemble, on est plus fort pour lutter contre la peur. Parler aussi de sa façon de voir les choses, ses pensées sur le monde. Lui permettre de devenir acteur du monde, même s'il est encore enfant. Car les idées se construisent très tôt.
Parler à un enfant des solutions l'aide à surmonter la peur. Il ne s'agit pas seulement de lui expliquer la répression contre les personnes violentes pour le rassurer.
Il s'agit déjà de l'éduquer à agir pour un monde moins violent. C'est donc le moment de parler de la violence entre personnes, y compris à l'école.
Lutter contre la violence, c'est apprendre à respecter les autres, à ne pas accepter que d'autres que l'on connaît ne respectent pas d'autres élèves ou d'autres enfants.
Lutter contre la violence, c'est aussi accepter que d'autres ne pensent pas comme nous et soient pourtant des gens bien.
Lutter contre la violence, c'est agir pour la justice.
Il est capable de le comprendre. Lui montrer des idéaux est un puissant antidote de la violence.
Un adolescent est aujourd'hui un jeune adulte par certains côtés en particulier sur le plan de l'information, de l'échange et reste encore un enfant sur le plan des émotions.
Il n'est pas possible, pour un adolescent, de censurer les informations, y compris les situations de violence. Et quand bien même nous tenterions de le faire, ça ne lui donnerait que davantage envie de voir ce qu'on lui interdit, et il en a facilement les moyens.
Il vaut mieux le prévenir que des images choquantes peuvent laisser des traces émotionnelles profondes qui restent ensuite parfois actives pendant des années. Il peut être utile de lui expliquer que moi-même, alors que je suis adulte, je peux être choqué et que je n'ai pas envie de me faire du mal et d'agresser mon cerveau par des images atroces. Ensuite, c'est à lui de choisir, il est suffisamment grand pour cela.
Avec un adolescent, plutôt que de lui exposer votre avis, il vaut mieux commencer par lui demander le sien. Et des avis, il en a, un ou plusieurs, parfois contradictoires, émanant de tout ce qu'il a entendu, vu, échangé et digéré à sa manière. L'écouter, c'est l'entendre et le considérer comme un adulte en devenir. Pas comme un enfant que l'on interroge pour lui donner ensuite la bonne réponse.
Si vous n'êtes pas tout à fait d'accord (ou pas du tout), il faut donner votre avis. Mais pas en lui expliquant qu'il a tort. En lui disant : toi, tu penses ceci, et moi, je pense différemment. Dans un temps de violence, il est capital de lui montrer en pratique que l'on peut ne pas être d'accord, et pourtant, se respecter profondément.
Ce n'est pas seulement par affection que vous l'écoutez. Un adolescent, c'est un futur adulte, et un futur adulte pour un futur très proche. Son avis est essentiel, parce que c'est lui qui construira le monde de demain, qui l'améliorera. Et ce sont ses pensées qui créeront ce monde de demain. Voilà pourquoi son avis est capital.
Il n'est pas toujours facile d'exprimer ce que l'on ressent. Mais d'autres le font pour nous. Les écrivains, les journalistes engagés, et même des anonymes formidables ayant écrit un texte, notamment évoquant la violence actuelle, qui vous marque, sur le net, sur Facebook ou dans un magazine. Partagez cela avec lui pour augmenter son niveau de réflexion et d'éthique.
Vous ne pourrez jamais forcer un adolescent à penser comme vous. Mais vous pouvez le toucher en parlant avec votre coeur. Expliquez-lui quel monde vous souhaitez, laissez parler votre coeur votre éthique du respect, de la fraternité, de la justice...
Adolescent, ses émotions sont plus enfantines que celles d'un adulte, le cerveau émotionnel n'étant entièrement mature qu'à 25 ans ! Alors, parlez-lui de ceux qui font ce qu'il faut pour le protéger, notamment contre la menace terroriste. Pas seulement la police, l'armée ou les politiciens, mais surtout, plus encore peut-être, tous ces gens bien, ceux qui oeuvrent pour la paix à leur manière. Auprès des plus pauvres, ceux qui sont susceptibles de se sentir laissés pour compte, de se laisser manipuler, de ne pas comprendre l'idéal républicain. Ceux qui aident les sans logements, les sans emploi, les sans affection... Et pointez que les gens bien sont nettement plus nombreux que les personnes violentes !
Finalement, les parents ne peuvent pas tout. Quel que soit l'âge de l'enfant, s'il reste choqué, plus d'une semaine, il est conseillé de voir un psychiatre ou psychologue, idéalement une personne spécialisée en psychotraumatologie. Bien sûr, pour ceux qui ont assisté à des scènes de violence personnellement, consulter rapidement un spécialiste est fortement recommandé.
Source : e-santé
Dr Catherine Solano
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