Santé mentale des jeunes : l’état d’urgence ?
La santé mentale des 11-24 ans ne cesse de se dégrader. Les explications et les conseils du Pr Florian Ferreri, psychiatre.
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Plus d'un adolescent âgé de 17 ans sur deux a déjà expérimenté le cannabis. 10% présentent une problématique addictive, c'est à dire d'abus et de dépendance au cannabis. Addiction ou consommation problématique de drogues, et parce que la confrontation directe et l'interdiction sont contre-productives, quelle attitude adopter en tant que parents ?
On peut définir un usage de drogues comme problématique quand la vie de l'adolescent se centre sur la consommation et que des conséquences négatives sont observables sur une ou plusieurs sphères de sa vie. Les parents d'adolescents et de jeunes adultes sont le plus souvent les premiers témoins des conséquences liées à la consommation de drogues. Ces changements sont plutôt négatifs et touchent particulièrement :
- La fréquentation d'amis, avec un changement dans son entourage habituel.
- La scolarité, avec des résultats scolaires en baisse, des absences, des problèmes de discipline.
- Le climat à la maison, avec des conflits plus récurrents, des règles moins respectées, une volonté de sortir encore plus souvent.
- Le comportement, avec un changement notable. Il devient plus irritable, profère plus de mensonges, etc.
Muriel Lascaux, psychologue clinicienne à la consultation « Jeunes consommateurs » du Csapa Pierre Nicole, de la Croix Rouge Française (Paris 5ème) : « Attention, des conflits, des difficultés à gérer les relations avec son enfant à la période de l'adolescence... tout cela est normal, tout l'enjeu est d'évaluer le niveau de gravité. Une chose est sûre : plus on intervient tôt, moins la conduite addictive est ancrée. Le travail en sera facilité ».
En préalable, les échanges sur la question de la consommation de drogues sont essentiels entre parents et adolescents, qu'il y ait usage ou non. Mais lorsque les parents ont repéré des changements négatifs dans la vie ou dans le comportement de leur enfant, voici ce qu'il faut et ne faut pas faire :
-Il ne s'agit pas alors de fouiller à la recherche de marijuana, de surveiller ses faits et gestes ou d'obtenir des informations sans son accord... Ce type de conduite n'encourage pas le dialogue autour de l'addiction.
-Attention aux punitions systématiques sans échange et sans explication si l'adolescent révèle ses consommations. Cela risquerait de rompre la communication. Or c'est à travers elle que les parents peuvent avoir un impact positif sur leur adolescent. Une bonne relation parents-adolescent est précieuse.
-L'échange sera le levier le plus influent. Contrairement à ce que les parents peuvent penser, ce sont eux qui ont le plus d'influence sur leur adolescent. Se braquer et imposer l'interdiction de la consommation de drogues, refuser le dialogue... produira l'effet inverse.
-Ajuster ses pratiques parentales plutôt que de les réduire à une approche binaire oui/non. L'objectif est de développer chez l'adolescent un sens de l'autocontrôle, ses capacités d'autogestion par l'intégration de limites et de règles. Ce processus d'appropriation est progressif.
Muriel Lascaux : « Le message clé est le suivant : "Comprendre n'est pas accepter". Les parents peuvent désapprouver la conduite de leur enfant mais cela ne les empêche pas d'échanger avec lui, sur le cannabis, sa consommation, ni d'exprimer leur position en tant que parents détenteurs de l'autorité parentale et représentants de la loi. Comme "on écoute mieux quand on se sent compris", les parents doivent poser à leur enfant des questions ouvertes, le laisser parler, car accéder à son vécu permet d'avoir plus d'impact. L'idée est aussi qu'ils puissent renvoyer leurs inquiétudes quant aux conséquences négatives observées pour échanger avec l'adolescent sur sa gestion, ses limites ».
Ne pas se tromper d'objectif : rechercher des solutions pour mettre un terme à la consommation de drogues n'est que la seconde étape. La première -comprendre ce qui amène l'adolescent à de tels comportements- est souvent "zappée" par les parents.
La conduite à tenir pour les parents est de s'intéresser à lui en le questionnant sur son monde, le faire parler sur son vécu, sur les limites qu'il s'impose, et surtout à ce qui est important pour lui. L'objectif n'est pas de se centrer sur l'addiction ou la conduite addictive, de lui imposer l'arrêt de la consommation de drogues mais de reconnaître le vécu de l'adolescent et de relancer son développement constructif (le plaisir de l'apprentissage, de la réussite, l'identification et l'expression émotionnelle, les activités de loisirs, etc.) qui a été entravé par l'abus ou l'addiction. Si l'adolescent exprime une difficulté à reprendre les choses en main, les parents peuvent le soutenir dans une démarche d'aide auprès d'une consultation "jeunes consommateurs » des Centres de Soins, d'Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA).
Relancer son développement constructif lui permettra de mieux gérer sa consommation de drogues voire la stopper de lui-même. Le travail autour du cannabis n'est qu'un moyen. Si la scolarité va bien, si les relations à la maison vont mieux, si les règles sont plus suivies, cela constituera des indices que la consommation n'est plus là ou est mieux maitrisée, du moins ne pose plus de problème majeur pour le développement de l'adolescent.
L'adolescent peut ne pas vouloir échanger sur sa vie, ses vécus, etc. Il est normal de rencontrer des difficultés sur la question des règles et des limites avec un adolescent. La difficulté est de ne pas confondre « rébellion » avec « processus d'autonomisation propre au développement de l'adolescent ». Les pratiques parentales ne doivent pas être rigides et systématiques mais évoluer en fonction du développement de l'adolescent, avec des essais, des erreurs, des avancées et des retours en arrière.
Muriel Lascaux : « Cependant, si l'étendue des conséquences négatives de la consommation de drogues est importante, alors il est important d'intervenir. Les parents peuvent signifier leurs inquiétudes et établir, au mieux avec l'adolescent (sinon l'en informer), deux à trois « signaux d'alarme » clairs (des limites à ne pas dépasser comme les résultats scolaires, les absences, le non-respect des règles...) qui témoigneront de la plus ou moins bonne gestion de la consommation par l'adolescent et justifiera d'aller consulter. Même s'ils viennent seuls, les parents pourront échanger avec un professionnel sur leurs inquiétudes, lequel pourra soutenir les pratiques parentales, leur expliquer comment faire venir l'adolescent et contenir leurs angoisses pour qu'ils soient eux-mêmes en capacité de contenir celles de leur adolescent ».
Se faire aider : www.drogues-info-service.fr
Source : e-santé
Hélène Joubert journaliste scientifique
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