Santé mentale des jeunes : l’état d’urgence ?
La santé mentale des 11-24 ans ne cesse de se dégrader. Les explications et les conseils du Pr Florian Ferreri, psychiatre.
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Le burn out ne concerne pas seulement les adultes. Il touche de plus en plus de jeunes et même des enfants qui craquent parce qu'on exige trop d'eux, pas au bon âge.
Le burn out des enfants : une réalité
« Avant, je recevais un enfant par semaine au bord du craquage. Aujourd'hui, j'en vois au moins cinq et quand ils poussent la porte de mon cabinet, ils sont déjà en grande détresse » explique la psychothérapeute Béatrice Millêtre, auteur de « Le burn out des enfants, comment éviter qu'ils ne craquent ».
Selon elle, le phénomène est en train d'exploser. En 2014, une enquête de l'Unicef auprès de 10 000 jeunes français révélait déjà que 40% des 6 à 18 ans éprouvent une souffrance psychologique et qu'à partir de 12 ans, 30% d'entre eux ont des idées suicidaires... Phobie scolaire, perte de repères, angoisse, manque de confiance... La jeune génération perdrait-elle pied ? « Avant on parlait du stress des adolescents mais, aujourd'hui, on est passé un cran au-dessus avec un burn-out chez les enfants similaire à celui qui affecte les adultes », affirme Béatrice Millêtre.
Les raisons ? Des parents qui en demandent trop, qui sont perdus ou angoissés par l'avenir, des élèves qui se mettent eux-mêmes dans la compétition, des enseignants qui n'autorisent pas le droit à l'erreur, des enfants sur-occupés ou livrés à eux-mêmes... Béatrice Millêtre parle de mégamorphisme : « Les adultes voient les enfants plus grands qu'ils ne sont. A 8 ans, ils font parfois leur déjeuner tout seul ou alors ont les écrans comme nourrice. A l'école, ils croulent sous les devoirs, les contrôles, la course aux bonnes notes, les cours de soutien... ».
Certains de ses jeunes patients cumulent 3 à 5 activités extra-scolaires par semaine. Ils partent de chez eux à 7 h du matin et rentrent à 19 h 30.
La situation est aggravée par la crise : 71% des préadolescents de 11 à 14 ans ont peur du chômage et 63% de la pauvreté.
Béatrice Millêtre : « Une petite fille de 10,5 ans m'a dit qu'elle devait avoir 20 sur 20 pour faire de bonnes études et avoir un travail. Elle l'a forcément entendu car ce n'est pas l'âge de dire ça. Beaucoup d'enfants ne sont plus que de bons petits soldats programmés pour réussir. Ils ne soufflent jamais et oublient d'être des enfants ».
Le burn out des jeunes se manifeste par des signes avant-coureurs : épuisement nerveux et physique, grande fatigue, difficultés d'endormissement, larmes au bord des yeux, irritabilité, stress permanent, perte de confiance en soi et en ses capacités, repli... Parfois, ces symptômes se doublent de douleurs somatiques, mal au ventre ou à la tête.
Béatrice Millêtre : « Les symptômes sont perceptibles : un enfant qui ne récupère pas, qui se réveille épuisé ou qui est exténué en rentrant de vacances, qui pleure pour un incident bénin ou dont les résultats scolaires baissent doit alerter les parents. C'est la même spirale que les adultes : il a le sentiment de travailler, de faire tout ce qu'il faut, mais on lui met la pression en lui faisant sentir que ce n'est pas suffisant. J'ai un élève de 3ème qui, avec 14 de moyenne générale, a reçu un avertissement pour l'inciter à faire mieux. On donne des objectifs de performance aux enfants auxquels ils ne peuvent pas toujours répondre, ils finissent par être rongés d'angoisse et à s'effondrer quand ils n'ont pas la note attendue ».
Les enfants qui tombent en dépression ne sont pas des glandeurs. Au contraire, ils ont envie de bien faire. Ils sont impliqués, consciencieux, volontaires, perfectionnistes, exigeants envers eux-mêmes, plutôt gentils et sensibles. En clair, ils ont le profil du bon élève. Mais sous prétexte qu'ils ont des capacités, ils sont mis à l'épreuve ! Les parents et les enseignants exigent d'eux des 18 ou 19 sur 20. Pour un enfant qui fait son maximum, cette dictature de la note peut-être très déstabilisant.
« J'ai des collégiens qui se sentent nuls car ils ont travaillé quatre heures sur un devoir et n'ont eu que 13,5 sur 20. C'est légitime d'avoir envie de pousser ses enfants ou ses élèves mais il ne faut pas que ce soit au détriment de leur personnalité ou de l'estime de soi. Il faut aussi les féliciter, 13,5 sur 20, c'est loin d'être nul », souligne Béatrice Millêtre. Surtout, précise-t-elle, la bonne question à se poser « c'est pourquoi veut-on qu'ils soient parfaits et qu'ils aient absolument 20 sur 20 quasiment dès la maternelle ? Et ce quel que soit le milieu social ».
Une prise en charge par le médecin traitant ou le pédiatre peut suffire à couper l'enfant de l'école pendant une semaine ou deux et le remettre d'aplomb. Mais un suivi par un psychothérapeute ou un pédopsychiatre est souvent nécessaire.
« Quand le jeune fait un burn out, il lui faut du temps pour se reconstruire, ce n'est pas simple. Mais c'est un mal pour un bien, s'il a craqué c'est qu'il était à l'envers de lui-même et que cela ne pouvait plus durer », déclare Béatrice Millêtre.
L'idée est qu'ils retrouvent de la légèreté et de l'insouciance, une âme d'enfant en quelque sorte. Les envoyer chez leur mamie préférée qui va les chouchouter, faire du vélo, du foot ou des gâteaux avec eux, les emmener aux champignons, jouer et s'amuser avec eux, rire, faire des choses simples... Tout est bon pour les requinquer à condition de partager des moments avec eux. Seule contrainte : qu'ils n'aient aucune leçon ni aucun devoir à faire, juste du temps pour le plaisir de se reposer.
Autre conseil de Béatrice Millêtre : « Il faut que les parents soient des décodeurs pour leurs enfants donc c'est important qu'ils les aident à relativiser, à décrypter le monde et à se trouver en leur faisant confiance et en les acceptant comme ils sont mais aussi en leur apprenant à exprimer ce qu'ils ressentent ».
Source : e-santé
Brigitte Bègue, journaliste santé
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