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Femmes et douleurs, le poids des hormones

Dès l’adolescence, la douleur notamment chronique est plus fortement et fréquemment ressentie chez les femmes, en particulier lorsqu’elle est d’origine musculaire, osseuse ou viscérale. Si, jusqu’à présent, cette différence était plutôt mise sur le compte des hormones sexuelles, l’exploration d’autres mécanismes permettra d’aboutir à de nouvelles thérapies, encore plus ciblées.

Publié le 18/07/19

Sensibilité à la douleur, vers une inégalité des genres et des sexes

Les recherches sur les mécanismes impliqués dans la douleur selon le sexe (anatomie d'une personne, système reproducteur, etc.) et le genre (rôles sociaux fondés sur le sexe), piétinent. Car l’affaire n’est pas si simple. Par exemple, alors que l’on a toujours cru que la mémoire de la douleur s’activait plus vite chez les femmes, une étude publiée en 2019 affirme que le souvenir de la souffrance serait plus marqué chez l'homme, du fait d’un stress anticipatoire. Celui-ci influerait sur les sensations douloureuses. Cette piste est en train d’être explorée dans les douleurs chroniques.

Néanmoins, un fait unanimement reconnu est que les femmes sont sur-représentées dans l’apparition et la persistance de la douleur et ceci pour un grand nombre de conditions douloureuses chroniques, comme la migraine, la fibromyalgie, les troubles de l’articulation temporo-mandibulaire ou la cystite interstitielle (syndrome de la vessie douloureuse).

Contrairement aux douleurs aiguës et neuropathiques (liées aux lésions nerveuses comme dans le diabète ou en post-chirurgie), les femmes sont sur-représentées dans la douleur chronique, pratiquement quelle qu’en soit la nature avec un ratio de deux à trois femmes pour un homme, tous types de douleur confondus (céphalées, douleurs abdominales, d'origine musculosquelettique, arthrite rhumatoïde). Deux pathologies se distinguent car encore plus présentes dans la population féminine, avec des sex-ratios nettement en défaveur de la femme : trois femmes pour un homme dans la migraine et six pour un dans la fibromyalgie !

De plus, chez les femmes, le seuil et la tolérance à la douleur seraient aussi plus bas. Ces dernières rapportent des douleurs plus sévères, une fréquence de pics douloureux plus élevée et des douleurs anatomiquement plus diffuses et plus persistantes.

Les raisons précises de ces différences ne sont pas connues mais les spécialistes supputent qu’elles pourraient relever à la fois du sexe et du genre.

Les femmes, une souffrance sous influence

Outre des causes génétiques encore mal appréhendées, cette différence vis-à-vis de la douleur est surtout attribuée sur le plan biologique aux hormones sexuelles, notamment parce que la sur-représentation de la douleur chez la femme émerge à la puberté, période de tous les changements hormonaux.

De par leur effet sur le système nerveux central et le cycle menstruel, ces hormones influencent la sensibilité à la douleur sans que le mécanisme exact ne soit encore bien connu. « Le rôle des hormones sexuelles et en particulier des œstrogènes (hormones sexuelles femelles) est de plus en plus étayé dans la majorité des douleurs chroniques », assure le Pr Nadine Attal, INSERM U 987 et Centre d’Etude et de Traitement de la Douleur (CHU Ambroise Paré). Par exemple, le seuil à la douleur est plus bas lors des menstruations. Mais à ce stade des recherches, « cataloguer les œstrogènes et la progestérone comme favorisant les mécanismes douloureux serait un raccourci erroné, nuance le Pr Serge Marchand, neurophysiologiste (Université de Sherbrooke, Canada), certains récepteurs secondaires des œstrogènes étant protecteurs, d’autres au contraire favorisant le ressenti douloureux. Pour leur part, des niveaux de testostérone plus élevés augmentent le seuil de tolérance à la douleur. Je dirais en résumé qu’il s’agit plutôt d’un fragile équilibre entre œstrogènes-progestérone et testostérone ».

Selon l’état de la recherche, les hormones sexuelles féminines sembleraient influencer l’efficacité du système qui freine la douleur (système dit de « contre-irritation »), lequel peut ainsi fluctuer avec les cycles menstruels. Ces phénomènes de contre-irritation ont pour mission de minimiser la douleur en un endroit précis suite à une stimulation douloureuse. Pendant toute la période péri-menstruelle, ce système de freinage de la douleur s’avère nettement moins efficace. Il est alors soupçonné de jouer un rôle dans le risque de développer des douleurs chroniques.

A cela s’ajoute que la modulation des taux d’endorphines impliquées dans l’analgésie est sous l’influence des hormones sexuelles (œstrogènes). Par exemple, à certains moments du cycle menstruel (phase folliculaire), ces taux d’endorphines vont baisser, d’où un plus fort ressenti de la douleur.

L’influence du genre

D’autres explications sont à rechercher du côté du genre et de l’héritage culturel. En effet, selon les chercheurs, les normes masculines encourageraient une augmentation du seuil à la douleur, alors que les normes féminines favoriseraient l’acceptation et l’expression du symptôme douloureux.

Il existe de plus une difficulté, souvent constatée dans certaines études, qu'ont les hommes à mettre des mots sur leur douleur.

Enfin, comme le pointe Nadine Attal « il existe probablement chez la femme une part de vulnérabilité à la douleur liée à des facteurs de risque associés, tels que des troubles anxieux et/ou dépressifs, qui sont plus fréquents chez elles et vont souvent de pair avec la douleur chronique ». Des études en neuropsychologie ont aussi confirmé la tendance naturelle chez les femmes à ressentir une « anxiété d’état » (de base) supérieure à celle des hommes. « Des tests sur la douleur entre hommes et femmes ont démontré le poids de l’anxiété dans le ressenti de la douleur, complète Serge Marchand, d’où la nécessité pour le soignant d’agir sur ce niveau d’anxiété d’état qui joue significativement sur la douleur de la patiente ».

 

Hélène Joubert, journaliste. D’après les interviews du Pr Nadine Attal (Centre d’Etude et de Traitement de la Douleur, CHU Ambroise Paré) et du Pr Serge Marchand, neurophysiologiste (Université de Sherbrooke, Canada).

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