Santé mentale des jeunes : l’état d’urgence ?
La santé mentale des 11-24 ans ne cesse de se dégrader. Les explications et les conseils du Pr Florian Ferreri, psychiatre.
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Les energy drinks, boissons énergisantes en francais, se déversent par hectolitres dans les gosiers et surtout dans ceux des ados. En vente partout, y compris dans les fêtes d'été, on a vite oublié qu'elles avaient été interdites en France jusqu'en 2008 pour leur dangerosité.
C'est dans le début des années 60 que la première boisson énergisante, le Lipovitan, a vu le jour au Japon. Clientèle visée : les hommes d'affaires. Dans ce pays où la compétition est féroce, elle leur permettait de travailler plus longtemps. Et par rapport au thé rituellement servi, il n'y avait pas photo !
Puis dans les années 80, le taureau rouge débarqua, développé par un entrepreneur autrichien qui avait découvert en Thaïlande une boisson énergisante proche du Lipovitan japonais. Grâce à un marketing astucieux, ce taureau rouge s'installa dans le monde du sport extrême, promettant de donner des ailes à ceux qui l'absorbaient.
Ce fut un raz-de-marée pétillant. Étudiants, yuppies, club-nighter, sportifs, hommes et femmes d'affaires, tous ceux qui avaient besoin d'énergie, se mirent à engloutir ces canettes qui contenaient de l'eau gazéifiée, du sucre, de la taurine, du glucuronolactone, de la caféine, des vitamines, des citrates acidifiants, des colorants et des arômes.
Très vite, d'autres energy drinks sont arrivés sur le marché international mais le taureau rouge le domine toujours.
Ce sont les trois composants de ces energy drinks qui posent des problèmes.
La taurine est un acide aminé qui est naturellement présent dans le corps humain et dans celui des animaux. Son nom vient de ce qu'il a été découvert, en 1827, dans la bile du boeuf. Dans l'organisme, la taurine joue un rôle de neuro-transmetteur, participe à la composition des acides biliaires, augmente la contractilité des muscles et du coeur. On en manquerait après un effort physique intense.
La boisson énergisante taureau rouge a été interdite en France jusqu'en 2008 à cause d'une étude de l'AFSSA, de 2003, décrivant des " effets neuro-comportementaux indésirables " à la suite d'expériences menées sur des rats. Après avoir ingéré beaucoup de taurine, ils étaient dans un tel état d'excitation qu'ils se rongeaient les pattes... Or, il y en a au minimum 1 g dans une canette d'energy drink et 120 mg environ dans l'organisme.
Le glucuronolactone, c'est aussi une molécule qui se trouve naturellement dans l'organisme car elle est produite par le métabolisme du glucose. Ajouté dans une boisson à hautes doses, il s'agit alors d'une sorte de sucre concentré qui aurait des effets très nocifs sur les reins. Il y en a de 600 à 1 136 mg dans les boissons énergisantes et 1 à 2 mg dans le corps.
Quant à la caféine, on connaît depuis longtemps ses effets plus qu'indésirables quand elle est absorbée en doses importantes : nervosité, troubles du sommeil, du rythme cardiaque, élévation de la tension artérielle. Il y en a de 80 à 500 mg dans une canette d'energy drink.
On ignore tout actuellement de l'effet du mélange taurine / glucuronolactone et caféine sur l'organisme à longue échéance.
Dans l'immédiat, lorsqu'on absorbe une canette d'energy drink, on se sent mieux, on retrouve la pêche, surtout si on était fatigué. Mais ensuite, l'effet dépresseur s'installe comme toujours après la prise d'un excitant nerveux. Ce qui incite à avaler une autre de ces boissons énergisantes.
Or, l'accoutumance à la caféine existe bel et bien. Pour beaucoup, il faut des doses de plus en plus importantes pour obtenir le même effet. Et c'est ce qui conduit à absorber de plus en plus souvent ces energy drinks.
Très souvent les energy drinks sont absorbés avec de l'alcool (excitant nerveux) surtout dans les fêtes. Il existe même, comme la vodka taureau rouge, des canettes de ce mélange détonnant.
Il a été indiscutablement démontré que les boissons énergisantes majorent l'effet excitant de l'alcool. En même temps, elles diminuent son effet dépressif et la perception que l'on a de son intoxication alcoolique. Autrement dit, on est beurré mais on ne s'en rend pas vraiment compte. Et on prend le volant, persuadé que l'on n'est pas ivre et que l'on peut conduire sans problème.
Une étude américaine réalisée en 2008 sur près de 6000 étudiants a très bien démontré le lien entre la consommation d'energy drinks et les conduites à risque. Si le taureau rouge investit des millions de dollars dans le sponsoring des sports extrêmes et a même une écurie de Formule 1, c'est bien parce qu'ainsi, il recrute des consommateurs amoureux de ces univers qui ne sont pas particulièrement tranquilles. On ne trouve pas beaucoup d'energy drinks qui font leur pub auprès des joueurs d'échecs ou de pétanque...
L'an dernier, le taureau rouge lancait une version concentrée de sa boisson énergisante, en petites canettes de 6 cl, non gazéifiées mais " parfaites pour votre sac de sport, le tiroir de votre bureau, votre boîte à gants, votre poche " qui se consomment à température ambiante. Aussitôt, les deux grandes marques de cola lui emboîtaient le pas, la plus célèbre d'entre elles parrainant même des soirées d'étudiants pour lancer son produit. Ces termes de " shot " ou de " shooter " définissent le format de ces fioles. On peut donc facilement se " shooter " partout et à toute heure avec ces energy drinks concentrées.
Dans bien des pays, y compris en France, nombre d'associations de parents, de consommateurs, de médecins et autres s'élèvent, en vain jusqu'alors, contre l'escalade de ces boissons énergisantes, faisant appel à leurs ministères respectifs de la santé qui restent cois, aussi bien aux États-Unis qu'au Canada et qu'en Europe. Comment lutter contre ce bulldozer international qui fait un business fabuleux à ne pas négliger en période de crise et de surcroît protégé par le principe de la libre circulation des marchandises ?
Rares sont les parents qui ne sont pas désemparés lorsqu'ils constatent que leur ado se shoote aux energy drinks, comme tous ses copains. Ils savent qu'il est vain de les lui interdire. Ils craignent qu'alors - si ce n'est pas déjà le cas - leur cher et insupportable trésor ne se tourne vers la bière ou des alcools plus forts. Surtout pendant les vacances, période bénie de fréquentation intense de dance-floor, de fêtes et de grasses matinées.
Le seul moyen de tenter de détourner les ados des boissons énergisantes, c'est de leur envoyer, sur Twitter, Facebook ou leur boîte mail, le lien sur le rapport de l'AFSSA : http://www.afssa.fr/Documents/NUT2002sa0260Er.pdf , signé par Martin Hirsch quand il en était le Directeur, en les incitant à regarder le début de la page 3 où il est question des comportements " bizarres " des rats. Et de leur demander, sur le ton de l'humour, s'ils ont vraiment envie de se mâchonner un jour les mains pour cause d'overdose de taureau rouge !
Paule Neyrat, Diététicienne
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