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L'autisme : mon enfant, ma vie, notre histoire

Publié le 19/10/17

Sophie est la maman d'un petit Luigi atteint d'autisme. Comme pour de très nombreuses autres familles, le combat quotidien est très difficile, interminable et épuisant. Il débute avant même le diagnostic, quand on repère que « quelque chose ne va pas ». Ensuite, le chemin à parcourir est un perpétuel don de soi, porté par l'amour pour son enfant autiste et encouragé par chaque signe de progrès.Sophie témoigne ici pour E-sante de son propre vécu.

« Écoutez, Madame, votre fils n'a aucun problème d'audition ! Il est caractériel. Il faudra vous y faire. Et s'il y a un problème, c'est seulement dans votre tête ! » Nous sommes en juillet 2007 au sortir d'un cabinet ORL à Paris où j'ai fait pratiquer une audiométrie à mon petit garçon de 18 mois.

Une inquiétude que je n'explique pas encore me gagne au fil des mois. Je le sens vivre dans un monde de silence où l'appel de son prénom ne fait pas écho, où même la douleur n'a pas de mots ! Je fais cependant comme ce médecin me dit. Je fais comme s'il entendait. Je constate néanmoins que je m'adapte à lui : je me positionne toujours face à lui pour lui parler, je m'accroupis ou me mets à genoux pour capter son attention.

Jusqu'au jour où le diagnostic tombe : « enfant autiste »

Le pédiatre et un autre ORL me tiennent le même discours : c'est le petit dernier, c'est normal ! Je retourne malgré tout faire une nouvelle audiométrie, ailleurs. Les résultats sont clairs : il a perdu 60 % d'audition et il faut opérer. Le praticien me dit en plus soupçonner un handicap, mais sans autre explication. L'opération à lieu : mon fils vient d'avoir deux ans, il passe d'un monde de silence à un monde sonore. Mais au fil des jours qui suivent, cela ne fait qu'amplifier les autres « inadéquations » de son comportement. Il se tape la tête de plus en plus souvent, de plus en plus fort, partout, contre le sol, contre mes jambes, contre mon visage et mon front quand il est dans mes bras, contre le bord du lit la nuit. Le déshabiller, prendre son bain le terrorise, manger devient une phobie et les nuits inexistantes ou presque à veiller pour que le reste de la famille puisse trouver un peu de repos, ou sortir se promener, crée une angoisse ingérable.

Cela fait près d'un an que j'essaie d'alerter que quelque chose ne va pas. Personne ne m'a ni entendue ni prise au sérieux. Alors je prends rendez-vous avec une pédopsychiatre dont j'ai suivi le travail et que je pense être à même de nous éclairer. Son verdict est sans appel : il est autiste. Mais elle va plus loin. Elle me signifie que si rien n'est entrepris immédiatement, cela va continuer de s'aggraver et de l'enfermer. Il faut donc réagir tout de suite. Elle ajoute que comme ce n'est pas un problème psy, elle ne peut rien faire et me demande de prendre contact avec une consoeur qui travaille avec des enfants comme lui et avec lesquels elle obtient des résultats.

Parallèlement, nous avons pris un second avis pris avec un médecin d'un grand hôpital parisien, qui nous laisse sans voix : « de toute façon, il n'y a rien à faire sinon pleurer un bon coup, le mettre dans un institut et passer à autre chose ! » Je refuse !

La solution pour Luigi vient avec le jeu et des dizaines de sourires bienveillants de personnes volontaires et bénévoles (*). Chaque intervenant partage une heure et demie par semaine avec lui. Dans une salle de jeu aménagée spécialement, il va jouer avec eux, à son rythme à lui, 40 heures par semaine, des milliers d'heures. Au bout de 8 ans, certains font toujours partie de sa vie.

Toute cette mobilisation permet à ce petit garçon qui nous échappait de se reconnecter à lui-même, à l'autre, à son environnement, à sa famille, aux mots..., jusqu'à intégrer l'école du village où il est accueilli simplement, humainement, comme il est, avec sa différence. Quelques heures au début, avec de l'aide. Aujourd'hui, il a 10 ans, il est en CM1, à mi-temps, tout seul, avec pour appui et complément, l'école à la maison. Luigi a su nous montrer sa confiance, son courage et sa volonté de progresser. Par exemple, pendant des mois, il s'est servi d'internet et Youtube pour apprendre à lire avant de se lancer dans le langage et à comprendre le fonctionnement des choses qui le questionnaient. Comme les nouveaux stylos à friction de couleur et leur gomme magique l'ont aidé, au fil des mois, à prendre confiance en lui pour oser apprendre à écrire.

Une heure à la fois, un jour à la fois...

Pour en arriver là, il n'y a eu aucun répit : l'autisme c'est 24h sur 24. Les journées sont à gérer en permanence avec lui qui ne supporte rien et les nuits qui n'en sont pas, pendant des années.

L'enfant différent dérange, éloigne, effraie, attire les regards, les critiques, ravive les peurs et provoque le rejet qui sommeille encore trop dans un inconscient collectif qui cherche bien souvent une coupable. L'administration et la paperasse rajoutent leur lourde part dans la machine à broyer le peu d'énergie qui reste. Je tiens, une heure à la fois, un jour à la fois. Je touche le fond souvent, j'apprends à repérer puis à repousser mes limites. J'essaye d'avancer. Je ne sais pas vers où... un pas à la fois. Sur ce chemin, je croise le premier regard de ce petit bout d'homme, une fraction de seconde la première fois, et à cet instant, je suis le « roi du monde ». Cette fois-là et dans chaque progrès aussi petit soit-il, je puise l'énergie pour continuer. Ce chemin c'est le mien, le nôtre, comme celui de milliers de parents d'enfant avec autisme. Il est à la fois jonché de cailloux, de grosses pierres, de trous et de pièges, mais aussi parsemé de petites lanternes qui m'ont permis de ne pas me perdre quand il faisait trop noir. Sur ce chemin, j'ai rencontré la détresse et l'espoir, l'urgence et la patience, la peur et le courage, la solitude et la solidarité, la bêtise et la générosité, l'abandon et le partage, les voleurs de poules et les charognards, le doute mais jamais la fatalité.

C'est un chemin de vie dans ce qu'elle a de plus dur et de plus bouleversant. Je le fais pour lui et avec lui. Nous avons démarré à deux, puis trois, puis neuf... des dizaines nous y ont rejoint pour un temps. Nous y cheminons toujours, mais maintenant Luigi commence à regarder le paysage avec nous... Il existe autant d'autismes que d'enfants autistes. Imposer une méthode plutôt qu'une autre n'aurait pas permis de tels résultats pour nous. Il est indispensable de conserver la richesse qu'offrent la diversité et l'expérience, et de l'adapter à chacun en fonction de ses difficultés.

(*) Pour en savoir plus, consulter le site de l'association www.autisme-espoir.org

 

Source : e-santé

Isabelle Eustache

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