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Le rôle méconnu des sages-femmes

Alors que les compétences des sages-femmes ne cessent de s’élargir, leurs missions restent peu connues du grand public. Elles jouent pourtant un rôle essentiel dans la santé des femmes, bien au-delà des seuls grossesses et accouchements, comme nous l’explique Sophie Guillaume, Présidente d’honneur du Collège national des sages-femmes.

© Doctopress
Publié le 19/10/21

Le métier de sage-femme souffre d’un déficit d’information auprès du public. Pour beaucoup, votre rôle se cantonne à l’accouchement…

Sophie Guillaume : C’est tout le paradoxe de notre profession : nous disposons d’un réel capital de sympathie, mais il y a une vraie méconnaissance de notre métier, y compris pour l’accouchement. La plupart des gens pensent que nous sommes là pour assister le médecin. Ils ne savent pas que, hors complications, c’est la sage-femme qui pratique l’accouchement, et non l’obstétricien.

Justement, outre l’accouchement, quel est le rôle de la sage-femme durant la grossesse ?

La sage-femme intervient très tôt, dès le projet de grossesse. Bien entendu, une femme peut arrêter seule sa contraception, mais il y a un certain nombre de conseils et d’informations qui doivent lui être délivrés. Par exemple, la nécessité d’une supplémentation en folates avant la conception pour prévenir certaines malformations ; la santé environnementale et les précautions à prendre pour éviter les agents toxiques pour le foetus ; ou encore la prévention des infections à cytomégalovirus qui peuvent être dangereuses pour l’embryon…

Il ne faut donc pas attendre la déclaration de grossesse pour consulter une sage-femme…

Non, car au moment de la déclaration de grossesse, trois mois se sont écoulés et ont pu avoir un impact négatif sur le foetus par défaut d’information de la mère. La mission de la sage-femme ne se résume donc pas au seul suivi de grossesse. Elle commence en amont et se poursuit après l’accouchement, puisque la sage-femme va s’assurer que le nouveau-né se porte bien, tester ses réflexes, faire les premiers vaccins, s’occuper de la maman avec la rééducation du périnée, etc.

Depuis une dizaine d’années, vous pouvez aussi assurer le suivi gynécologique des femmes en bonne santé. Pourquoi un tel élargissement de vos missions ?

La loi HPST (hôpital, patients, santé, territoires), en 2009, a modifié le rôle des sages-femmes, et nous a octroyé le droit de faire le suivi gynécologique de prévention, qui va de l’adolescente à la femme ménopausée, afin de faire face à la baisse drastique du nombre de gynécologues médicaux. Il ne s’agit pas de remplacer les gynécologues, bien entendu, mais de mieux utiliser les compétences des uns et des autres. Les sages-femmes sont dans la prévention, le dépistage ; les gynécologues, eux, sont dans la thérapeutique.

En 2016, des syndicats de gynécologues se sont, malgré tout, élevés contre une campagne des pouvoirs publics qui incitait les patientes à consulter directement une sage-femme…

Nous avons, en France, d’excellents médecins, dont certains ont fait jusqu’à onze ans d’études, et qui travaillent très bien. Mais l’organisation sanitaire ne peut pas reposer que sur eux. Les utiliser pour faire de la prévention, c’est du gaspillage de compétences ! Ce n’est pas normal que des couples attendent deux ans pour être pris en charge par un gynécologue pour un problème de fertilité, alors qu’ils devraient pouvoir obtenir un rendez-vous dans la semaine. Encore faut-il que l’emploi du temps des médecins ne soit pas pollué par les suivis gynécologiques, les prescriptions de pilules et les frottis. Il faut changer de paradigme, et c’est précisément ce qui est en train de se passer. Bon nombre de gynécologues l’ont compris en nous accompagnant dans la formation et en nous transmettant leur savoir.

Il n’y a plus de rivalités, alors ?

Il y en a, mais elles reposent avant tout sur des questions de pouvoir. Ceux qui, parmi les gynécologues, laissent entendre qu’on va perdre en qualité dans le suivi gynécologique utilisent des arguments fallacieux. C’est aux sages-femmes que l’on confi e le moment le plus à risque d’accident qu’est l’accouchement. Quand la grossesse est normale, aucun gynécologue n’est présent dans la salle, et cela ne pose de problème à personne, tout le monde dort sur ses deux oreilles. Nous serions donc d’une compétence hors normes pour l’accouchement, et pour le suivi gynécologique, non ? Il faut se poser les bonnes questions ! Chacun a des compétences, il faut les exploiter au mieux car elles sont précieuses. C’est une question de bon sens.

Quels sont les actes que vous pouvez réaliser dans le cadre du suivi gynécologique de prévention ?

Nous pouvons tout faire, de la gestion de la santé sexuelle et reproductive au dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST), du cancer du sein et du cancer du col de l’utérus. Autrement dit, la sage-femme va pouvoir assurer le choix de la contraception avec sa patiente, poser un stérilet ou un implant, réaliser un examen gynécologique complet, effectuer un frottis, pratiquer une échographie, prescrire une prise de sang ou une mammographie…

En matière de prévention, nous n’avons vraiment aucune limite, à condition que la femme soit en bonne santé, c’est-à-dire qu’elle n’ait pas de maladie chronique comme un diabète ou une hypertension.

Dans ce cas, le suivi gynécologique n’est pas du ressort de la sage-femme, mais du médecin. Par ailleurs, depuis 2016, nous avons l’autorisation de pratiquer des interruptions volontaires de grossesses médicamenteuses.

Pour le suivi gynécologique, à quelle fréquence une femme doit-elle consulter ?

En France, il n’y a pas de recommandations. Si on se cale sur le dépistage organisé du cancer du col de l’utérus – qui instaure, de 25 à 29 ans, deux frottis successifs à un an d’intervalle puis, si tout est normal, un frottis tous les trois ans –, on pourrait imaginer une consultation une fois tous les trois ans au minimum. Mais pour le dépistage du cancer du sein, une palpation correcte tous les ans, c’est quand même mieux.

Malheureusement, faute d’avoir pu obtenir un rendez-vous avec un gynécologue, trop de femmes négligent encore leur santé. C’est pourquoi il est important de mettre en avant le rôle des sages-femmes. Il est temps de sortir de cette invisibilité !

 

Bon à savoir

Pour trouver une sage-femme près de chez vous, consultez l'annuaire des sages-femmes libérales

 

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