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Le handicap en entreprise, un faux problème

Publié le 27/02/18

Au cours de sa vie, une personne sur deux connaîtra une situation de handicap, ponctuelle ou définitive. Ce que l’on sait encore moins est que 80 % des travailleurs handicapés n’ont besoin d’aucun aménagement de poste. Pourtant, l’emploi des personnes handicapées reste insuffisant, un sujet où les stéréotypes sont encore bien enracinés. Entrepreneur : « osez le handicap ! ». Salariés : « osez déclarer votre handicap ».

Qu’est-ce que le handicap ?

La définition du handicap au regard de la loi du 11 février 2005 fait référence : « constitue un handicap toute limitation d’activité ou restrictions de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne, en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive, d’une ou de plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ».

Il existe cinq familles de handicap :

46% des handicaps ont trait à une déficience motrice, c’est-à-dire une atteinte de la mobilité des membres supérieurs et/ou inférieurs, quelle qu'en soit la cause.

25% des handicaps sont liés à une maladie invalidante, respiratoire, digestive, parasitaire, infectieuse (diabète, hémophilie, sida, cancer, hyperthyroïdie etc.).

8% résultent d’une déficience sensorielle, auditive et/ou visuelle (surdité partielle ou sévère, malvoyance, cécité…).

12% sont des troubles psychiques (troubles dépressifs graves, burn out, état psychotique ou névrotique).

9% sont des handicaps variés (déficience intellectuelle, trouble cognitif/trouble mental qui affecte la mémoire).

Loin des 6% de travailleurs handicapés fixés par la Loi

Trente ans après la loi (1987) * qui, pour la première fois, a fixé l’obligation d’emploi pour les travailleurs handicapés, le constat est mitigé. 2,7 millions de personnes ont une reconnaissance administrative de leur handicap (« Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé » ou RQTH), soit 7% de la population active. Or, le nombre de travailleurs handicapés en emploi atteint un million en 2017 et le taux de chômage des personnes reconnues handicapées n’a cessé de croître, jusqu’à 19 % en 2017, deux fois supérieur à celui de l'ensemble des actifs (10%). 48 % des chômeurs handicapées ont 50 ans ou plus, contre 25 % pour l’ensemble de la population active.

Par ailleurs, la représentation sociale du handicap reste négative**. Les stéréotypes et les préjugés concernent encore aujourd’hui tous les aspects du handicap : les personnes handicapées sont perçues comme motivées, déterminées et sympathiques mais fragiles et lentes voire tristes et perturbées. Dans l’esprit du grand public, le handicap se résume au fauteuil roulant. Il est cependant loin d’être la norme : le fauteuil roulant est indispensable chez seulement 2% des personnes handicapées qui travaillent. 85 % des handicaps sont invisibles.

Handicap au travail, les espoirs sont permis

Il y a cependant de quoi être confiant. La vision change dans le grand public : 80 % des salariés ayant un collègue handicapé n’ont pas constaté de surcharge de travail. 82 % d’entre eux le perçoivent comme aussi performant (source Louis Harris). Par ailleurs, de moins en moins d’entreprises choisissent de subir la sanction pour éviter d’avoir à employer des personnes handicapées. Selon la Loi, les entreprises privées de 20 salariés et plus devraient compter 6 % de personnes en situation de handicap dans leurs effectifs, sauf à payer une « contribution » à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (Agefiph) ou le Fonds pour l'Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction publique (Fiphfp). En dix ans, le nombre d’établissements ayant dû verser une « contribution » a baissé de 28 %. De plus, la part des groupes qui ne mettent aucune action en place (plan, accord, emploi) était de 8 % en 2014, soit trois fois moins qu’en 2006.

Sonia Mouihi, Chargée Mission Diversité Handicap pour le Groupe Synergie : « J’exerce mon métier depuis fin 2004 et la loi du 11 février 2005 a été celle qui a réellement impulsé une dynamique pour l’emploi des travailleurs handicapés, en durcissant les pénalités financières. Cet intérêt nouveau s’est, en premier lieu, fait ressentir auprès des grands groupes qui ont rapidement élaboré de nouvelles solutions afin d’employer des collaborateurs handicapés. Le recrutement direct n’était pas simple, des professionnels du recrutement dédiés au handicap, parfois en interne, ont vu le jour. Les chargés de mission ont été plus nombreux, notamment pour le maintien dans l’emploi des personnes handicapées car ce problème est le plus prégnant (aménagement du poste, formation des collaborateurs en situation de handicap, sensibilisation des collectifs de travail). Aujourd’hui, l’enjeu se concentre au niveau des PME (Petites et Moyennes Entreprises) qui n’ont pas toujours les moyens de se doter d’outils spécifiques ».

Déclarer son handicap, pas si facile

Les entreprises ont, en interne, de nombreuses personnes en situation de handicap qui n’osent pas le révéler. La crainte de perdre son emploi ou de freiner son évolution professionnelle joue probablement pour beaucoup. Il n’y a aucune obligation légale pour un salarié titulaire de déclarer son handicap à son employeur. Mais, selon l’Agefiph, depuis plusieurs années, de plus en plus de salariés sautent le pas.

Sonia Mouihi : « J’organise régulièrement des actions de sensibilisation auprès des collaborateurs des entreprises que j’accompagne (collectifs de travail, managers, etc…) ce qui me donne l’opportunité de rencontrer des salariés handicapés qui hésitent parfois à se déclarer. Le message que je souhaite transmettre est très simple : ce n’est pas le handicap qui définit une personne mais ses compétences. Déclarer sa situation de handicap, c’est devenir acteur de sa vie professionnelle en se donnant les moyens d’exercer efficacement et sereinement son activité sans devoir compenser - seul - sa situation de handicap ce qui, à terme, pourrait aboutir à une inaptitude professionnelle. Evoquer sa situation de handicap est la voie la plus efficace pour sécuriser son emploi et son avenir professionnel. Cela permet en effet à l’employeur de mettre en œuvre les aménagements de postes nécessaires, d’élaborer un parcours de formation personnalisé, etc… »

Créer les compétences pour mieux intégrer le handicap

La question de la formation est centrale. Seuls 27 % des personnes handicapées qui travaillent ont un niveau d’études supérieur ou égal au bac, contre 45 % pour l’ensemble des publics. Cela s’explique notamment par le fait qu’une grande partie des accidents du travail ou des problèmes de santé conduisant à la reconnaissance d’un handicap surviennent pour des postes peu qualifiés et extrêmement physiques. C’est bien souvent la double peine pour ces personnes, qui ont un faible niveau d’étude et déjà un certain âge.

Sonia Mouihi : « Le déficit de formation des chercheurs d’emploi handicapés est le principal frein d’accès à l’emploi. Dans le même temps, de nombreuses entreprises souhaitent recruter des travailleurs handicapés et n’y parviennent pas, faute de profils qualifiés. Face à ce constat, je pense que les entreprises doivent s’adapter aux spécificités de ce marché (travailleurs handicapés) et modifier leurs approches. Nous ne parvenons pas à trouver les profils, alors créons-les ! Recrutons autrement, non plus en fonction d’un niveau d’études ou d’une qualification mais à partir du « savoir-être » attendu. Identifions et valorisons les compétences transverses et formons les candidats à nos métiers. J’accompagne quotidiennement les entreprises dans le déploiement de leurs politiques d’Emploi & Handicap et, au cours de ces deux dernières années, nous avons été amenés à monter plusieurs dispositifs de formation tels que des Classes de Professionnalisation sur des métiers très divers tels que : chargé de Recrutement, vendeur en prêt-à-porter et même chauffeur routier et cela fonctionne. Bien plus qu’une démarche citoyenne et engagée de la part de l’entreprise, la formation professionnelle est pour l’employeur et le travailleur handicapé un partenariat gagnant-gagnant ».

Merci à Sonia Mouihi, Chargée Mission Diversité Handicap pour le Groupe Synergie. Synergie, 1er groupe français indépendant de services RH (intérim, recrutement, formation, conseil) est un acteur connu en matière d’emploi et d’insertion professionnelle des personnes handicapées.

Sources : *article L5212-1 à 5 du code du travail) ; ** Guide pratique « Les stéréotypes sur les personnes handicapées en entreprise. Comprendre et agir dans l'entreprise ». Agefiph, IMS-Entreprendre pour la cité ; Chiffres 2017 Insee, Agefiph et Fiphfp

Hélène Joubert, journaliste

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