Salarié-aidant : "Ma récompense, c’est le mieux-être des personnes que j’accompagne"
Conjuguer sa vie professionnelle avec l’accompagnement d’un proche en perte d’autonomie peut devenir un véritable jeu d’équilibriste. Alors que ces situations sont de plus en plus courantes, à La Mutuelle Générale, c’est un sujet qui guide les actions de l’Observatoire solidaire, tant pour soutenir ses adhérents que ses salariés. Aurélia Le Baudour, consultante en transformation digitale à La Mutuelle Générale et aidante de plusieurs proches au quotidien, témoigne.
Publié le
23/09/22
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3 min
Auprès de quelles personnes êtes-vous aidante et comment cela est-il apparu dans votre quotidien ?
Aurélia Le Baudour : Je suis en premier lieu aidante auprès de ma grand-mère maternelle, depuis une dizaine d’années. Ça a commencé par des tâches administratives puis de suivi de santé, et ça s’est vraiment accéléré avec les confinements. La perte de son audition a été un premier bouleversement, avec d’importantes conséquences sur son quotidien et notamment sa stimulation intellectuelle, puis elle a en partie perdu son autonomie. C’est devenu de plus en plus dur car 700 km nous séparent. Je gère beaucoup de choses à distance, j’ai donc dû mettre en place tout un réseau de professionnels de santé et accompagnants autour d’elle pour être sûre qu’il y ait toujours quelqu’un.
A côté, je m’occupe en continu d’un couple de voisins âgés. Ils ont tous les deux des pathologies importantes – elle a Parkinson et lui un cancer. On faisait des échanges de petits services au départ. Ils n’ont pas d’enfants et leurs maladies se sont aggravées : il y a eu de plus en plus de chutes, des difficultés à se déplacer, etc. Je les ai notamment aidés à médicaliser leur appartement, à mettre en place des aides, c’était une période intense.
Enfin, une de mes amies proches a une maladie psychique chronique, la bipolarité. J’apprends progressivement à connaître sa maladie et à vivre avec. Avec sa sœur, nous avons constitué un binôme de soutien pour toujours maintenir le lien et éviter toute situation dramatique en phase de crise. Cet accompagnement est venu progressivement avec le temps.
Selon vous, de quelles qualités faut-il faire preuve pour être aidant auprès d’un proche ?
A.L.B. : Être aidant, ce n’est pas toujours un choix au départ et ça peut arriver progressivement. Savoir faire preuve d’empathie pour comprendre la personne, son besoin et agir en conséquence. En période plus intense, il faut savoir garder la tête froide, pouvoir gérer le multi-tasking pour ses proches et pour soi-même – souvent l’urgence a lieu en journée, quand je travaille. Je dirais qu’il faut aussi être pugnace pour faire avec le système, non adapté. Avoir une bonne santé physique et mentale, quand il faut relever une personne en difficulté qui a chuté, au départ on ne sait pas faire, on apprend.
Comment vous organisez-vous au quotidien ?
A.L.B. : En dehors des phases de « gestion de crise », j’échange avec ma grand-mère au moins une fois par jour, par téléphone ou par mail (plus facile du fait de sa surdité), et je gère tout ce qui est de l’ordre de la santé, les factures, les rendez-vous, le dispositif d’accompagnement… On me fait remonter des alertes, pour que je puisse prendre les bonnes décisions. Par ailleurs, je m’y rends toutes les quatre à cinq semaines pour m’occuper un peu plus d’elle. Il y a toujours quelque chose à gérer, quand ce n’est pas de l’administratif ou de la logistique, il s’agit des rendez-vous médicaux. Concernant mes voisins, maintenant que le dispositif autour d’eux se stabilise, je passe désormais les voir une fois par semaine et je reste joignable par téléphone s’ils ont besoin de quelque chose.
Quelques données clés
En France, 11,5 millions de personnes s'occupent chaque jour d'un proche en situation de dépendance.
D’ici 2030, un quart de la population active devra concilier vie professionnelle et soutien d’un proche dépendant.
En lançant en 2020 le premier Observatoire solidaire des salariés-aidants, La Mutuelle Générale a souhaité apporter une réponse adéquate à ce sujet de société majeur.
Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez pour conjuguer vie privée, vie professionnelle et aide de vos proches ?
A.L.B. : Le problème principal que je rencontre est le manque de temps. Il faudrait parfois des journées deux fois plus longues ! D’un côté, on doit assurer son travail, se concentrer, et de l’autre on doit penser à rappeler le chirurgien par exemple, rassurer son proche… C’est comme si deux cerveaux réfléchissaient en même temps, donc cela représente une certaine charge mentale.
J’ai aussi pu ressentir parfois le manque d’aide. Je me rends compte que la société n’est pas adaptée à la perte d’autonomie en général, une action simple peut devenir un vrai problème à gérer. Il faut souvent déployer beaucoup d’énergie pour parvenir à ses fins, parfois bousculer les règles, ne rien lâcher.
Quelles sont aujourd’hui les principales solutions liées à votre statut de salarié-aidant ?
A.L.B. : A un moment donné dans ma carrière, pour m’adapter au rythme de la maladie, j’ai dû arrêter momentanément de travailler. J’ai bénéficié du congé solidaire familial, ce qui m’a permis d’être à 100 % auprès d’un proche en fin de vie. C’est aussi utile de pouvoir s’appuyer sur tout un réseau de confiance, comme des voisins par exemple, en plus du personnel de santé.
A la Mutuelle Générale, l’Open travail (nouvelle organisation du travail instaurée en 2021) est un atout pour gérer ma vie d’aidante au quotidien. Sans cette flexibilité, je n’aurais jamais pu aider mes proches comme je l’ai fait, être aussi présente. C’était un prérequis pour moi au moment du recrutement. Je peux parfois adapter mes plages horaires de travail en fonction des besoins, bien sûr c’est aussi une discussion avec ma manager et une question de confiance. Et en interne, j’ai découvert une communauté d’aidants. En parler librement, échanger des conseils… ça m’aide à mieux gérer ma propre situation.
Quel constat pourriez-vous faire quant à ces différentes expériences ? Qu’est-ce que cela vous a apporté sur les plans professionnel et personnel ?
A.L.B. : Mon parcours professionnel m’a aidée à gérer des situations en tant qu’aidante et inversement. Je peux prendre des décisionsplus rapidement, j’ai développé des compétences en multi-tasking. On apprend à gérer ses priorités et à relativiser sur le plan professionnel, sans perdre son engagement. On entraîne aussi sa capacité de concentration ! Par moment, j’ai même besoin de me plonger dans le travail pour mettre de côté mon quotidien d’aidante. L’aidance peut donc tout à fait permettre de développer de nouvelles qualités. Aujourd’hui, surtout, ma récompense c’est le mieux-être des personnes que j’accompagne, qu’elles se sentent le mieux possible dans leur quotidien, quelle que soit leur situation.
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