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Salariés-aidants : des compétences utiles à l’entreprise

En France, onze millions de personnes accompagnent au quotidien un proche malade*, en situation de handicap ou en perte d'autonomie due à l'âge. Un salarié sur quatre est concerné**. Pour les salariés-aidants, cela implique une gestion du temps plus complexe, du stress et souvent un impact direct sur le salaire et l’évolution de carrière. Mais les aidants développent aussi de nombreuses compétences très prisées des entreprises. Comment valoriser ces soft skills et permettre aux salariés-aidants de trouver un équilibre ? Zoom sur ce défi majeur avec Pierre Denis, responsable du pôle engagement sociétal et délégué général de la Fondation d'entreprise de La Mutuelle Générale.

The Editorialist
Publié le 10/06/22
Temps de lecture 4 min

Une reconnaissance des salariés-aidants à la traîne…

Degré de dépendance, situation personnelle et professionnelle de l’aidant, environnement, durée du cycle d’aidance… Si les paramètres sont nombreux et rendent l’aidance difficile à définir, les salariés-aidants ont en commun la charge d’une personne en perte d’autonomie et une activité professionnelle en entreprise à mener de front. « Cette triple vie – personnelle, professionnelle et d’aidant – relève souvent du parcours du combattant, sans compter que le Covid a aggravé de nombreuses situations, en séparant des couples aidant-aidé », relève Pierre Denis.

L’aidance affecte presque inévitablement la vie professionnelle : absences récurrentes, difficultés d’organisation et baisse de productivité sont souvent mal comprises par le manager ou les équipes, et peuvent entraîner un sentiment d’isolement chez le salarié, voire un risque de burn-out. « La crainte de voir leur salaire et leurs opportunités de carrière stagner, alors même que conserver une activité s’avère salutaire pour la plupart des aidants, explique que peu se déclarent comme aidants à leur entreprise », souligne Pierre Denis. En effet, L’Observatoire solidaire de La Mutuelle Générale constate que 69 % de salariés-aidants n’informent pas leur employeur de leur situation, au détriment de leur équilibre de vie.

Alors comment faire progresser la reconnaissance et l’accompagnement des salariés-aidants ? « Le congé de proche aidant, mis en place en 2017, constitue une première avancée, mais il est, d’une part, assez restrictif puisque le niveau de dépendance de la personne accompagnée doit être au moins de 80 %, et il reste d’autre part assez complexe à mettre en œuvre, du fait du manque d’information des entreprises à ce sujet », déplore Pierre Denis.

… mais indispensable

La part des employés concernés par l’aidance va pourtant augmenter dans les prochaines années, en raison du vieillissement de la population, de l’allongement des carrières et de l’augmentation des maladies liées à l’âge. Une mauvaise prise en charge des salariés-aidants pouvant coûter cher en termes de cohésion, de productivité et d’image, il est alors vital pour les entreprises de mettre en place des dispositifs d’accompagnement. « Sans pour autant se substituer à une structure d’action sociale, l’entreprise a un véritable devoir de soutien de ses employés en situation de fragilité. La question des salariés-aidants touche à son moteur humain ; il s’agit de la protection de ses ressources », insiste Pierre Denis. A cela s’ajoute aussi l’enjeu de marque employeur représenté par l’accompagnement des aidants, à une époque d’inversion du rapport de force employeur-employés et de forte volatilité des talents.

Le saviez-vous ?

La France compte 11 millions d'aidants qui s'occupent d'un proche malade, en situation de handicap ou de dépendance liée à l'âge. Près de 4 millions seraient des actifs. Dans le secteur privé, 21% des salariés sont des aidants. Avec le vieillissement de la population, ils pourraient être 25% en 2030.

L’aidance, une source de compétences précieuses en entreprise

L’aidance, un défi de taille donc, mais qui recèle aussi de nombreuses opportunités pour les entreprises, tant l’épreuve s’avère formatrice. De l’organisation des rendez-vous médicaux à l’attention portée au confort de la personne, les aidants développent de multiples savoir-faire et savoir-être précieux pour leur employeur, que ce soit en termes de gestion de projet, de management ou de relation humaine.

« La gestion contraignante du triptyque « vie personnelle-vie professionnelle-aidance », qui dure parfois des années, favorise le développement de soft skills extrêmement bénéfiques à l’entreprise, plaide Pierre Denis. Leadership, priorisation, prise de décision et d’initiative, coordination… Ce ne sont là que quelques-unes des nombreuses compétences que peuvent revendiquer les salariés-aidants ». Parmi elles figurent aussi la capacité d’écoute, l’esprit d’analyse, l’aptitude à anticiper ou encore une grande adaptabilité. Autant de qualités extrêmement prisées des employeurs, qui figurent déjà sur de nombreuses fiches de poste.

Dès lors, Pierre Denis recommande d’utiliser ces soft skills comme leviers pour valoriser les salariés-aidants et faciliter leur réinsertion : « ces aptitudes peuvent les disposer aussi bien à monter en compétences au sein de leur poste actuel qu’à prendre en charge une équipe ou bien à se réorienter, dans les ressources humaines par exemple. Il faut donc imaginer des systèmes de mobilité qui soient à la fois transverses et ascensionnels ». La démarche d’accompagnement des salariés-aidants doit en effet nécessairement prendre en compte leurs éventuelles nouvelles aspirations et peut, à terme, s’avérer bénéfique pour l’ensemble des salariés, qu’ils soient aidants ou non.

Soulager les aidants

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Mettre les soft skills au cœur de l’accompagnement des salariés-aidants

La prise en compte de la situation d’aidance dans laquelle s’est trouvé ou se trouve actuellement un salarié sur quatre doit donc être inscrite dans la politique RSE des entreprises et portée en interne par les ressources humaines, en étroite collaboration avec la médecine du travail et l’assistance sociale.

Outre la mise en place d’une organisation du travail flexible, l’octroi de congés spécifiques ou encore le don de RTT, « un véritable travail d’information et de sensibilisation autour de l’aidance doit être mené », estime Pierre Denis, qui rappelle que 58 % des salariés-aidants ignorent s’il existe des mesures sur le sujet au sein de leur entreprise, selon L’Observatoire solidaire de La Mutuelle Générale. Une acculturation des managers, des équipes et des ressources humaines est ainsi nécessaire pour instaurer un climat de confiance dans lequel les collaborateurs concernés se sentiront reconnus et incités à se déclarer comme salariés-aidants, ce qui leur permettra de bénéficier d’un accompagnement adapté.

« Le manager est une porte d’entrée vers la reconnaissance des salariés-aidants. Il peut déceler des signaux faibles et mettre en œuvre les bonnes pratiques d’accompagnement », précise Pierre Denis. Cet accompagnement aurait tout intérêt à mettre en avant les soft skills développées par les salariés-aidants, pour une approche positive, bienveillante et valorisante de l’aidance dans l’entreprise. Au cœur de l’expérience de l’aidant, les soft skills sont une passerelle indispensable vers l’entreprise pour transformer une épreuve personnelle et un défi professionnel en véritable opportunité individuelle et organisationnelle.

* Source : Dossier de presse relatif à la stratégie de mobilisation et de soutien en faveur des aidants, Secrétariat d’État chargé des personnes handicapées et Ministère des Solidarités et de la Santé, 2019.

** Source : Deuxième baromètre annuel 2021 sur les aidants en France, les souhaits de solidarité et les attentes qu’ils suscitent parmi les travailleurs actifs, L'Observatoire solidaire de La Mutuelle Générale.

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